Produit en 1965 (donc dix ans avant la mort de Franco), La caza est le film qui a fait connaître Carlos Saura à un large public.Trois amis (ou prétendus tels), Jose, Paco et Luis, accompagnés d'un adolescent, Enrique, qui jouera le rôle d'un témoin halluciné, partent chasser le lapin sur la propriété désertique et giboyeuse de l'un d'eux. Pendant la guerre civile tous les trois ont combattu dans les rangs franquistes, précisément sur le terrain où ils se retrouvent pour chasser.
La tension va progressivement monter. Non seulement à cause de la chaleur et de l'alcool, mais parce que les trois protagonistes principaux ont chacun une histoire tourmentée, avec des interactions entre les trois histoires. Le gardien du terrain de chasse, employé de José, qui élève des furets pour chasser le lapin est l'archétype d'une classe de "serfs", partagé entre la docilité et la rage contenue (cf. la scène de la mort du furet). Sa jeune nièce Carmen est d'un autre âge, d'une génération qui n'a pas connu la violence de la guerre civile, tout comme Enrique avec qui elle établit une complicité éphémère. Au fil des heures le climat de tension se transforme en climat de violence dont le point de départ est la scène , citée plus haut, de la mort du furet. L'apothéose finale, tragique, est presque un repos pour le spectateur.
Le film est construit avec une très forte unité de temps et d'espace. Les images (en noir et blanc) sont magnifiques de simplicité, sans artifices ni surcharges. L''action se déroule à deux niveaux différents : d'une part la tension, puis la violence entre les trois hommes ; d'autre part la chasse proprement dite avec une violence qui va elle-aussi crescendo. Le génie de la mise en scène de Saura s'exprime dans la mise en images de ces deux plans de violence alternés.
Cette double violence est aussi un moyen pour Saura de renvoyer le spectateur à la violence de la guerre civile espagnole. D'une manière indirecte certes mais persistante : le lieu, l'histoire des personnages, la présence d'un cadavre de combattant dans une grotte, l'antagonisme de classe sous-jacent entre le propriétaire José et son employé.
En résumé, La Caza est un grand film, Un film profond et beau, soutenu par une photographie exemplaire et une mise en scène sans faille.
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