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vendredi 21 juillet 2017

Á PROPOS DU "BIG BANG"

Le "Big Bang" (Grand Boum) est une singularité de l'histoire de l'univers, ou plus précisément une modélisation de cette singularité, que les cosmologues situent à environ 13,8 milliards d'année. Cette singularité a donné lieu à diverses interprétations, non seulement dans le "grand public" mais aussi dans la communauté scientifique.

L'expression "Big Bang" fut inventé dans les années 1950 par l'astrophysicien anglais Fred Hoyle pour désigner le concept "d'explosion originelle" introduit dans le modèle cosmologique initialement développé dans les années 1920 par l'astrophysicien belge Georges Lemaître et le physicien soviétique Alexander Friedmann.


Georges Lemaître et Einstein

Les équations de la relativité générale proposées par Einstein en 1915 permettaient en effet de construire divers modèles de la formation et de la constitution de l'univers. Einstein par exemple était convaincu que l'univers était statique, c'est-à-dire immuable au cours du temps. Il avait même introduit,assez artificiellement, dans ses équations une "constante cosmologique", permettant au modèle d'univers qui avait sa préférence d'être en cohérence avec ses équations. Toutefois l'astronome américain Edwin Hubble a montré indubitablement, en 1929, que l'univers était en expansion. Dès lors, la plus grande partie de la communauté scientifique s'est ralliée à l'idée d'une singularité primordiale, plus tard appelées "Big Bang".

Le terme "Big Bang" n'est d'ailleurs pas très heureux car il suggère l'idée d'une explosion, alors qu'en fait l'histoire de l'univers ou au moins ce que nous pouvons en connaître) est vraisemblablement une expansion, à partir d'un état singulier (non localisable spatialement) dans lequel tout ce qui constituera la matière que nous connaissons (ou que nous ne connaissons pas encore) était concentré dans un espace extraordinairement dense et extraordinairement chaud. Cet état existait il y a environ 13,8 milliards d'année et a rapidement évolué selon un schéma dont plusieurs étapes sont encore inconnues ou mal connues. 

La description de ces différentes étapes nécessite des connaissances très avancées en physique des particules et en physique quantique qui sont affaire de spécialistes.
Le lecteur intéressé pourra se référer, en première approche, à l'article mentionné dans ce lien.

On retiendra, de manière très simplifiée, que pendant les 10 secondes qui ont suivi l'état primordial, toute la matière était un magmas de particules diverses dont certaines se sont annihilées et d'autres se sont formées. Entre 3 et 20 minutes après le "Big Bang", la température a suffisamment baissé pour que des neutrons et des protons puissent se combiner en noyaux atomiques. Pendant environ 377 000 ans, aucune lumière ne peut être émise. La libre circulation des photons est en effet empêchée par la grande densité des noyaux puis des atomes. On a coutume de dire que l'univers était "brumeux" : aucun télescope ne peut nous  révéler son état. Á partir de 377 000 ans a lieu ce que l'on appelle "la recombinaison". L'univers devient transparent. Les photons émis juste après la recombinaison peuvent désormais se déplacer sans perturbation, et ce sont eux que l'on voit lorsqu'on observe le rayonnement du fond diffus cosmologique (cf. plus bas). Celui-ci constitue donc une image de l'univers à la fin de cette époque. Viendront, par la suite, la formation des structures : étoiles, galaxies, amas, etc. Notre système solaire s'est vraisemblablement formé 8 milliards d'années après le "Big Bang".

C'est ici l'occasion de rappeler quelques éléments chronologiques qu'il faut garder à l'esprit pour relativiser notre présence dans l'univers :


  • Big Bang : 13,8 milliards d'années
  • Formation du système solaire : 8 milliards d'années
  • Formation de la Terre : 4,5 milliards d'années
  • Apparition de la vie sur Terre : environ 3,8 milliards d'années
  • Dinosaures et mammifères : environ 230 millions d'années
  • Hominidés : environ 7 millions d'années
  • Homo Sapiens : environ 200 000 ans

 On retiendra de ce qui précède que l'histoire de l'univers, telle que nous le connaissons aujourd'hui, est un tissu d'hypothèses probables et de déductions spéculatives. Il existe toutefois un argument très fort qui plaide pour l'existence d'un état singulier de type Big Bang : le fond diffus cosmologique, parfois appelé "rayonnement fossile". De quoi s'agit-il ?

En 1964, les radio-astronomes Penzias et Wilson, des laboratoires de la compagnie Bell Telephone, disposent d'une antenne qui servait initialement à la communication avec les satellites Echo puis Telstar 1. Ils souhaitaient transformer cette antenne en radio-télescope pour mesurer le rayonnement dans le domaine radio de la Voie lactée. Pour ce faire, ils avaient besoin d'étalonner correctement l'antenne, et en particulier de connaître le bruit de fond généré par celle-ci ainsi que par l'atmosphère terrestre. Ils découvrent ainsi accidentellement un bruit supplémentaire d'origine inconnue au cours d'observations faites sur la longueur d'onde 7,35 cm. Ce bruit, converti en température d'antenne, correspondait à une température du ciel de 2,7 K, ne présentait pas de variations saisonnières, et ses éventuelles fluctuations en fonction de la direction ne dépassaient pas 10 %. Il ne pouvait donc s'agir du signal émis par la Voie lactée qu'ils cherchaient à découvrir.
Penzias et Wilson ne connaissaient pas les travaux des cosmologistes de leur époque, et c'est presque par hasard qu'ils les découvrent. Penzias mentionne fortuitement sa découverte au radio-astronome Bernie Burke, qui lui dit savoir de Ken Turner que James Peebles a prédit l'existence d'un rayonnement de quelques kelvins, et qu'une équipe composée de Dicke, Roll et Wilkinson de l'université de Princeton est en train de construire une antenne pour le détecter. Le fond observé correspond donc à ce qui est appelé surface de dernière diffusion, au moment où l'Univers s'est suffisamment refroidi pour que la matière sorte de l'état de plasma et que le libre parcours moyen des photons devienne suffisamment grand (ce qui revient à dire que l'Univers devienne transparent), pour qu'ils puissent traverser les distances considérables nécessaires pour être observés de nos jours.


Arno PENZIAS et Robert WILSON.

En résumé : la construction de ce qui est désormais appelé le modèle standard de la cosmologie est la conséquence logique de l’idée du Big Bang proposée dans la première partie du xxe siècle. Ce modèle standard de la cosmologie offre une description de l’univers compatible avec l’ensemble des observations de l’univers. Il stipule en particulier les deux points suivants :


  • L’univers observable est issu d’une phase dense et chaude (Big Bang), durant laquelle un mécanisme a permis à la région qui nous est accessible d’être très homogène mais de présenter de petits écarts à l’homogénéité parfaite. Ce mécanisme est probablement une phase de type inflation, quoique d’autres mécanismes aient été proposés.
  • L’univers actuel est empli de plusieurs formes de matières :
    • Les photons, c’est-à-dire les particules représentant toute forme de rayonnement électromagnétique,
    • Les neutrinos,
    • La matière baryonique, qui forme les atomes,
    • Une ou plusieurs formes de matière inconnues en laboratoire mais prédites par la physique des particules appelées matière noire, responsable entre autres de la structure des galaxies, bien plus massives que l’ensemble des étoiles qui les composent,
    • Une forme d’énergie aux propriétés inhabituelles, appelée énergie noire ou constante cosmologique, responsable de l’accélération de l’expansion de l’univers observée aujourd’hui (et probablement sans rapport direct avec l’inflation).


Un très grand nombre d’observations astronomiques rendent ces ingrédients indispensables pour décrire l’univers que nous connaissons. La recherche en cosmologie vise essentiellement à déterminer l’abondance et les propriétés de ces formes de matière. Trois ingrédients de ce modèle standard de la cosmologie nécessitent de faire appel à des phénomènes physiques non observés en laboratoire : l’inflation, la matière noire et l’énergie noire. Néanmoins, les indications en faveur de l’existence de ces trois phénomènes sont telles qu’il semble extrêmement difficile d’envisager d’éviter d’y faire appel. Il n’existe de fait aucun modèle cosmologique satisfaisant s’affranchissant d’un ou plusieurs de ces ingrédients.
Source 

La théorie du Big Bang a donné lieu à des interprétations de nature philosophique ou théologique. Je cite deux d'entre-elles :

1/ Le pape Pie XII était très au fait des avancées scientifiques. Lorsqu'il eut connaissance de la théorie du Big Bang il y a vu une preuve du "Fiat Lux" de la Genèse. Dans un discours resté célèbre, très explicitement intitulé "Les preuves de l’existence de Dieu à la lumière de la science actuelle de la nature",  il fait le point sur les dernières découvertes en astrophysique, physique nucléaire et cosmologie, faisant d’ailleurs preuve d’une connaissance aiguë de la science de son temps. Il ne mentionne aucunement la théorie de l’état stationnaire, mais tire de l’observation de l’expansion et de la cohérence entre âge estimé de l’Univers et autres méthodes de datation la preuve de la création du monde :

« […] Avec le même regard limpide et critique dont, il [l’esprit éclairé et enrichi par les connaissances scientifiques] examine et juge les faits, il y entrevoit et reconnaît l’œuvre de la Toute-Puissance créatrice, dont la vérité, suscitée par le puissant « Fiat » prononcé il y a des milliards d’années par l’Esprit créateur, s’est déployée dans l’Univers […]. Il semble, en vérité, que la science d’aujourd’hui, remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire témoin de ce « Fiat Lux » initial, de cet instant où surgit du néant avec la matière, un océan de lumière et de radiations, tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et s’assemblaient en millions de galaxies. »
Il conclut son texte en affirmant :
« Ainsi, création dans le temps ; et pour cela, un Créateur ; et par conséquent, Dieu ! Le voici, donc — encore qu’implicite et imparfait — le mot que Nous demandions à la science et que la présente génération attend d’elle. […] ».

Le chanoine Georges Lemaître (qui est le premier cosmologue à avoir imaginé le Big Bang) a demandé une audience au Pape et lui a expliqué qu'il ne lui semblait pas raisonnable de tirer des conclusions théologiques à partir de théories scientifiques. Le Pape Pie XII a, à la suite de cet entretien, rectifié sa position.


Pie XII

2/ On entend parfois dire que le Big Bang est l'instant de la création de l'univers, c'est-à-dire du temps et de la matière. Rien ne permet d'affirmer une telle chose. D'ailleurs, cette affirmation entraîne immanquablement la question "Qu'y avait-il avant le Big Bang ?" et cette question est totalement insoluble, pour diverses raisons dont les principales sont : d'une part qu'il n'existe aucune possibilité d'observer quoi que ce soit (rétrospectivement) avant l'apparition du fond diffus cosmologique ; d'autre part qu'aucune loi physique, à l'heure actuelle, ne peut interpréter ou faire l'objet de modélisation dans les tous premiers instants qui ont suivi le Big Bang. Ni la relativité générale, ni la physique quantique. En conséquence, il n'est pas correct de dire que le Big Bang a créé l'univers. La seule chose que l'on puisse dire est que le Big Bang est, à l'heure actuelle, le point ultime des connaissances que l'intelligence humaine peut tenter d'interpréter, au moins partiellement.

Pour aller plus loin il faudra certainement : ou des observations totalement inédites, impensables et peu probable ; ou une nouvelle physique capable de surmonter les contradictions entre la relativité générale et la physique quantique.

A moins qu'il ne faille se résoudre à ce que nous n'en sachions jamais rien, ni notre génération, ni les suivantes !




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