La démonstration de l'existence de Dieu par Spinoza est un raisonnement complexe qui se situe au début de son oeuvre majeure L'Éthique, dans la première partie (Livre I) : De Dieu. Cette démonstration est dans la lignée de démonstrations antérieures (celle de Anselme de Cantorbéry et, surtout, de Descartes) en ce sens qu'elle fait partie des preuves dites ontologiques (qui s'appuient sur la définition de l'être de Dieu). Le commentaires que je vais en faire ici utilise le fait que l'Éthique est rédigé à la façon d'un traité de géométrie (more geometrico), c'est-à-dire qu'il contient des définitions, des axiomes, des propositions et des démonstrations. Il contient également des explications et des scolies, c'est-à-dire des commentaires destinés à fournir des éclaircissement complémentaires ou des réfutations d'arguments contraires. L'ouvrage a été écrit en latin, ; je prendrai ici comme référence : soit la traduction qu'en a fourni l'édition de La Pleiade, NRF, Gallimard, 1967, Paris ; soit celle de Armand Guérinot, ed. Ivrea, 1993, Paris. Je signalerai la source par "ref. LP" pour la première et "ref. AG" pour la seconde.
référence de l'illustration |
Les points importants de cette démonstration sont les définitions et les axiomes que formulent Spinoza. En effet, une fois ces démonstrations et axiomes admis, les propositions sont démontrables.
Je fournis donc d'emblée les définitions et les axiomes qui débutent l'ouvrage (les mots soulignés le sont par moi) :
Les définitions (ref. LP)
I. Par cause de soi, j’entends ce dont l’essence enveloppe l’existence, autrement dit ce dont la nature ne peut être conçue qu’existante.
II. Est dite finie en son genre, la chose qui peut être limitée par une autre de même nature. Par exemple, un corps est dit fini, parce que nous en concevons toujours un autre plus grand. De même, une pensée est limitée par une autre pensée. Mais un corps n’est pas limité par une pensée, ni une pensée par un corps.
III. Par substance, j’entends ce qui est en soi et est conçu par soi, c’est-a-dire ce dont le concept n’a pas besoin du concept d’une autre chose pour être formé.
IV. Par attribut, j’entends ce que l’entendement perçoit de la substance comme constituant son essence.
V. Par mode, j’entends les affections de la substance, autrement dit ce qui est en autre chose, par quoi il est aussi conçu.
VI. Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-a-dire une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.
VII. Est dite libre, une chose qui existe d’après la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir. On appelle au contraire nécessaire, ou plutôt contrainte, la chose qui est déterminée par une autre à exister et à produire un effet selon une raison définie et déterminée.
VIII. Par éternité, j’entends l’existence elle-même, en tant qu’elle est conçue comme suivant nécessairement de la seule définition d’une chose éternelle.
Remarques sur les définitions
Chacun est libre de définir une chose ou un concept comme il l'entend, à partir du moment où cette définition n'est pas auto-contradictoire et respecte les principes de base de la linguistique. Par exemple : chacun sait que la somme des angles d'un triangle est égal à 180°. Libre à moi d'appeler "triangle hyperangulé" un polygone du plan ayant trois côtés et dont la somme des angles est supérieure à 180° (ne serait-ce que pour démontrer qu'il n'existe pas).
Les définitions de Spinoza sont soigneusement choisies en fonction du but qu'il s'assigne : dans le livre I, l'existence de Dieu et les conséquences qu'il en tirera. Le meilleur exemple qu'on puisse en donner est la définition spinoziste de la substance (définition III). En philosophie, ce mot a eu des interprétations diverses chez Platon, Aristote, Descartes etc. En général il s'agit en quelque sorte du substrat qui subsiste quelles que soient les transformations subies. Par exemple on a pu dire (pas Spinoza) que la substance d'une bougie est la cire puisque la cire subsiste sous une forme ou une autre, quel que soit l'état de la bougie (intacte ou fondue). Spinoza innove en précisant que la substance est "ce qui créé par soi", c'est-à-dire qu'elle n'a besoin d'aucun autre concept pour être. C'est un ajout fondamental, comme on le verra.
Il faut prendre garde à ne pas confondre "attribut" et "mode" (définitions IV et V). Un attribut est ce par quoi une substance existe. C'est un concept intrinsèque à la substance. Certains ont même pu dire que la substance n'était pas autre chose que l'ensemble de ses attributs. Le mode par contre est quelque chose qui affecte (i.e. qui modifie) la manière d'être de la substance. Par exemple (exemple non spinoziste), si on pense que l'atmosphère est une substance, le vent est un mode, c'est à dire une manière d'être de cette substance. Mais le vent existe de manière extrinsèque à la substance : il n'y a pas de vent sans atmosphère, mais il n'y a pas nécessairement du vent dans l'atmosphère.
Concernant Dieu (définition VI) il est intéressant de noter que la définition de Spinoza est "stratégique". Il n'utilise que ses propres définitions antérieures. La définition de Descartes est basée sur les concepts de "perfection" et de "défaut" mais on peut établir un "pont" entre Descartes et Spinoza si l'on admet que Descartes considère la perfection comme étant la possession d'une "infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie".
La définition de Dieu n'exige que la simple adhésion à la cohérence logique de sa formulation, et n'est intelligible que parce que préalablement ont été définis la substance et ses attributs.
Les axiomes (ref. A.G)
Pour Descartes, comme pour Spinoza, un axiome est une proposition dont notre entendement a une version claire et indubitable et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer.
I. Toutes les choses qui sont, sont ou bien en soi, ou bien en autre chose.
II. Ce qui ne peut être conçu par autre chose, doit être conçu par soi.
III. D’une cause déterminée donnée, suit nécessairement un effet, et au contraire, si nulle cause déterminée n’est donnée, il est impossible qu’un effet suive.
IV. La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe.
V. Les choses qui n’ont rien de commun l’une avec l’autre ne peuvent non plus être comprises l’une par l’autre, autrement dit le concept de l’une n’enveloppe pas le concept de l’autre.
VI. Une idée vraie doit convenir avec l’objet qu’elle représente.
VII. Tout ce qui peut être conçu comme non existant, son essence n’enveloppe pas l’existence.
La démonstration
Toutes les propositions citées sont issues de la traduction ref.AG.
Proposition I : "La substance est antérieure par nature à ses affections ".
Cette proposition est évidente d'après les définitions de la substance et du mode (définitions III et V). Le mot "antérieur" n'a pas, à mon avis, de connotation chronologique. Il signifie : antérieur dans l'ordre de compréhension des concepts par l'entendement.
Proposition II : "Deux substances ayant des attributs différents n’ont rien de commun entre elles."
Proposition évidente d'après la définition de la substance (définition III) : une substance étant conçu en soi et par soi ne peut être enveloppé et ne peut envelopper une autre substance. le verbe "envelopper" doit se comprendre ici au sens de la théorie des ensembles, c'est-à-dire " inclure".
Proposition III : " Des choses qui n’ont rien de commun entre elles, l’une ne peut être la cause de l’autre."
Proposition évidente en vertu de l'axiome n° V. Si une chose est cause de l'autre, les deux choses ont obligatoirement quelque chose en commun. Par exemple : les parents sont cause de la naissance de leur enfant. Ils ont en commun avec lui d'être des humains (ou des animaux).
Proposition IV : "Deux ou plusieurs choses distinctes se distinguent entre elles ou d’après la diversité des substances, ou d’après la diversité des affections de ces substances".
En effet l'axiome I implique qu'une chose ne peur être qu'en soi (cause de soi, donc substance) ou en autre chose (impliquant une autre substance). La nature de la substance peut donc être cause de la diversité. Par contre elles peuvent différer, bien que dotées de la même substance, si cette substance a connu des affections qui ont produit des choses différentes.
Proposition V : "Dans la Nature des choses, ne peuvent être données deux ou plusieurs substances de même nature ou attribut."
Il faut noter que le mot "nature" apparaît ici une fois avec une majuscule et une seconde fois avec une minuscule. Cette distinction est expliqué en note par ref.LP de la manière suivante : le in latin initial (dans) n'a aucun sens spatial. Il faut interpréter, à mon avis, comme suit : la Nature (l'ensemble des essences des êtres) ne peut
être constituée de substances différentes ou de substances ayant des attributs différents (ce qui revient au même pour Spinoza puisqu'il assimile la substance à l'ensemble de ses attributs).
La démonstration de cette proposition (essentielle car elle conduira au constat de l'unicité de la substance ) découle de la proposition IV précédente. En effet, s'il existait dans la Nature des substances de même nature (exprimant le même concept) différentes, elles ne pourraient différer que par la diversité de leurs attributs ou par la diversité de leurs affections. Or, si deux substances de même nature diffèrent par leurs attributs cela signifie qu'il n'existe qu'une seule substance dotée de la totalité des attributs de chacune d'entre elles (puisque ces substances sont de même nature). Si par contre on envisage que plusieurs substances différent par leurs affections on est en contradiction avec la proposition I dont la validité a été démontrée. En effet puisqu'une substance est obligatoirement antérieure à ses affections ce ne sont pas les substances qui diffèrent mais leur mode.
Proposition VI : "Une substance ne peut être produite par une autre substance."
La démonstration me semble évidente en se référant simplement à la définition de la substance (définition III). Mais Spinoza développe d'abord une démonstration qui se réfère (dans l'ordre) aux propositions V, II et III. IL ajoute une seconde démonstration qui ne fait appel qu'à la définition de la substance et à l'axiome IV.
Proposition VII : "Il appartient à la nature de la substance d'exister."
La définition de la substance indique qu'elle est cause de soi. En conséquence cela implique qu'elle ne peut être créée par une autre substance (ce que nous savons déjà grâce à la proposition VI), donc que ses attributs incluent l'existence.
Spinoza insiste beaucoup sur cette proposition (et on comprend pourquoi quand on sait où il veut en venir). Dans la scolie II de la proposition VIII il met en garde le lecteur contre la possibilité de confondre les substances et les modifications des substances (leurs modes) : ref.AG
"Je ne doute pas qu’à tous ceux qui jugent confusément des choses, et qui n’ont pas accoutumé de connaître les choses par leurs causes premières, il ne soit difficile de concevoir la démonstration de la proposition 7 ; parce que, certes, ils ne distinguent pas entre les modifications des substances et les substances elles-mêmes, et qu’ils ne savent pas comment les choses se produisent. [...] Si, au contraire, les hommes portaient leur attention sur la nature de la substance, ils ne douteraient nullement de la vérité de la proposition 7 ; bien plus, cette proposition serait pour tous un axiome et serait comptée parmi les notions communes. Car, par substance, ils entendraient ce qui est en soi et est conçu par soi, c’est-à-dire ce dont la connaissance n’a pas besoin de la connaissance d’une autre chose ; par modifications d’autre part, ce qui est en autre chose, et desquelles le concept est formé du concept de la chose en quoi elles sont."
En fait Spinoza n'indique rien de nouveau ici. Il précise simplement au lecteur que pour comprendre ce qu'il dit, il faut le lire attentivement et, en particulier lire et comprendre les définitions préalables.
Proposition VIII : "Toute substance est nécessairement infinie".
En effet : supposons qu'une substance soit finie. Alors, selon la définition II, elle doit être limitée par une autre de même nature, qui existerait nécessairement en vertu de la proposition VII. Mais dans ce cas, on serait en contradiction avec la proposition V qui indique qu'il ne peut exister deux ou plusieurs substances de même nature.
Proposition IX : "D’autant plus de réalité ou d’être possède chaque chose, d’autant plus d’attributs lui appartiennent."
En guise de démonstration, Spinoza indique simplement : " Cela est évident d'après la définition 4".
Mais que signifie "posséder plus de réalité ou d'être". Mon interprétation est : posséder plus ou moins de manifestations permettant à notre entendement de saisir la réalité de la chose. Si cette interprétation est correcte, il est exact que la proposition IX est immédiatement démontrée par la définition IV (définition des attributs) puisque ce sont les attributs qui "éclairent" ce qu'est la substance, dont la chose est un mode.
Proposition X : "Chacun des attributs d’une substance doit être conçu par soi".
Cette proposition est évidente quand on a compris qu'une substance n'est pas autre chose que l'ensemble de ses attributs.
Proposition XI : "Dieu, autrement dit une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement."
Le Livre I de l'Éthique contient 36 propositions. Onze ont été nécessaires pour arriver à la conclusion : "Dieu existe nécessairement". Spinoza propose trois démonstrations différentes pour cette proposition cruciale. Je n'analyserai que la première, qui me semble la plus facile à comprendre si on a assimilé ce qui précède (on trouvera toutefois, à la fin de ce paragraphe, un aperçu des deux autres démonstrations. La première démonstration est une démonstration par l'absurde consistant à dire que si Dieu n'existe pas (i.e. si la proposition XI n'est pas valide) il existe des contradictions entre différents points antérieurs dont la validité a été démontrée. Plus précisément ici : l'hypothèse de la non-existence de Dieu implique une contradiction entre la proposition VII et l'axiome VII. En effet, il a été démontré par la proposition VII qu'il appartient à la nature de la substance d'exister ; par contre l'axiome VII indique ; "Tout ce qui peut être conçu comme non existant, son essence n’enveloppe pas l’existence."
Donc, si nous concevons Dieu comme non-existant, il lui appartient quand même d'exister (proposition VII) puisqu'il a été défini comme une substance. Il est clair que Dieu ne peut pas à la fois exister et ne pas exister. La présence d'une contradiction implique que l'hypothèse "Dieu n'existe pas" est une absurdité logique.
Aperçu sur les deux autres démonstrations (source)
Deuxième démonstration
1. Ce qui n'a nulle raison ou cause qui empêche son existence existe nécessairement ;
2. or aucune raison ou cause n'empêche Dieu d'exister ;
3. donc Dieu existe nécessairement.
Troisième démonstration
1. Pouvoir ne pas exister est une impuissance, pouvoir exister une puissance ;
2. or nous existons, et sommes des êtres finis ;
3. donc si Dieu (être infini) n'existait pas, des êtres finis seraient plus puissants que l'être infini, ce qui est absurde. Donc Dieu existe.
Analyse critique
La démonstration de Spinoza est à la fois extrêmement rigoureuse et extrêmement fragile.
Elle est rigoureuse car elle est conduite comme un raisonnement mathématique. Chaque proposition est démontrée (sur la base d'axiomes et de définitions) et aucune affirmation de Spinoza n'est posée sans fondement pour la justifier.
Mais elle est aussi extrêmement fragile (c'est-à-dire réfutable) comme toutes les preuves ontologiques de l'existence de Dieu. Dans ce type de preuve on confond en effet le concept et la réalité. Si on pose a priori, en tant que définition, que Dieu est une substance dont on définit les attributs et si par ailleurs on définit la substance comme compatible avec la définition que l'on a donné de Dieu, tout le raisonnement, aussi rigoureux soit-il, n'est autre qu'une tautologie. En fait, ce que démontre essentiellement Spinoza c'est que ses différentes définitions sont harmonieusement compatibles mais il ne montre nullement qu'elles résultent d'un jugement synthétique, partant de la réalité objectivement observable pour aboutir à un concept absolument nécessaire.
En fait, malgré sa rigueur mathématique, le raisonnement de Spinoza est totalement a-scientifique. On peut rétorquer que l'objet traité (Dieu) ne relève pas de la science. Mais c'est Spinoza lui-même qui revendique pour l'Éthique la rigueur géométrique.
Cette critique ne démontre pas que Dieu n'existe pas mais l'analyse de Spinoza ne démontre certainement pas que Dieu "existe nécessairement".
Henri Oldenburg, correspondant de Spinoza, ne s'y trompe pas, qui objecte en effet qu'il lui semble « que des définitions ne peuvent contenir autre chose que des concepts de notre esprit » et que, puisque l'esprit humain est apte à concevoir des chimères, il ne voit pas « comment de ce concept que j'ai de Dieu, je puis en inférer son existence ». Quelle est la réponse de Spinoza ? Elle rétablit brièvement et sèchement un point de doctrine : l'existence d'une chose définie ne suit pas de sa définition, mais « de la définition ou de l'idée d'un attribut, c'est-à-dire [...] d'une chose qui se conçoit en soi et par soi ». Autrement dit : toute réfutation fondée sur l'instabilité conceptuelle d'un « être verbal » est non avenue car ce n'est pas de la définition que peut résulter l'existence des réalités naturelles. La réfutation ne peut venir que de l'identification de la cause externe ou interne qui fonde l'impossibilité de l'existence de la chose.
Concernant la cause interne, l'argumentation ne pose guère problème : un cercle carré n'existe pas car sa nature (cause interne) renferme une contradiction, ce qui n'est évidemment pas le cas de Dieu dont, par définition, l'existence est contenue dans l'essence .
Mais, s'agissant de la cause externe, l'argumentation est plus délicate. Dieu peut-il être une fiction ? Pourquoi l'idée de Dieu a-t-elle, pour Spinoza, plus de solidité que l'idée d'une terre qui ne serait pas ronde ? La réponse de Spinoza est la suivante : « Je crée une fiction aussi longtemps que je ne vois ni impossibilité ni nécessité : au contraire, si j'avais compris l'une ou l'autre, j'aurais été dans l'impossibilité absolue de forger une fiction».
Ainsi se précise l'argumentaire qui se déploie sur deux strates : une strate interne sur laquelle se lit la cohérence de l'idée de Dieu, c'est-à-dire sa capacité quasi-mathématique à satisfaire au principe de non-contradiction ; une strate externe qui relève de la persuasion : la capacité de l'entendement à. discerner le vrai et le faux par une opération qui ne relève plus du champ spéculatif mais de l'adhésion volontaire et individuelle, de l'accord du concept à la raison : « Car on suppose connue [...j la vérité de cet axiome suivant lequel toute définition, c'est-à-dire toute idée claire et distincte, est vraie ». Sur cette strate l'adéquation du concept au réel est rebelle à la preuve expérimentale et Spinoza revendique sans ambages cet effacement de la raison : « Nous n'avons jamais besoin de l'expérience, si ce n'est pour des choses qui ne peuvent se tirer d'une définition : par exemple, l'existence des modes, qui ne peuvent se conclure de la définition des choses. Mais l'expérience est inutile pour ces choses dont l'existence n'est pas distincte de leur essence et qui se concluent donc de leur définition. Bien mieux, aucune expérience ne nous donnera jamais une telle connaissance ; le plus qu'on puisse attendre de l'expérience, c'est qu'elle détermine notre esprit à ne penser que certaines essences des choses ».
On sait que Spinoza a été poursuivi par l'accusation d'athéisme. Pourtant un philosophe qui pose Dieu comme seule cause efficiente de toutes choses, et qui fait de la connaissance de Dieu la source de la béatitude, ne peut, sans paradoxe, être accusé de nier Dieu. Si le paradoxe a pu être soutenu, c'est que le Dieu de Spinoza est un concept d'une extension et d'une abstraction telles que les religions du Livre, non seulement ne peuvent y retrouver leurs jalons canoniques, mais de plus s'y trouvent contredites sur des points de dogme particulièrement sensibles, tels que l'universalité de la loi donnée à Moïse au Sinaï ou le caractère sacré des Écritures.
Paganisme peut-être, et non athéisme, si l'on donne au premier terme un sens dégagé de toute acception polythéiste : le Dieu ne Spinoza ne peut être qu'un puisqu'il est, par définition, l'unité absolue. Panthéisme sans doute, pour la même raison qui pose la substance comme infiniment exprimée dans la Nature, mais avec des nuances qui hiérarchisent les modes d'être.
Cette vacuité de l'argument ontologique n'avait pas échappé à Thomas d'Aquin qui avait critiqué la preuve de Anselme de Cantorbéry. Plus tard Kant scellera définitivement le sort de l'argument ontologique dans la Critique de la Raison pure (cf. pages 425 à 431 de l'édition PUF, 1980).
En guise de conclusion : que signifie "Deus sive Natura" (Dieu, c'est-à-dire la nature) ?
L'unicité de la substance, qui fait l'objet de la cinquième proposition de L'Éthique implique directement son identification à la Nature.
En effet, si : « Il n'y a rien hors de l'entendement, par quoi plusieurs choses peuvent se distinguer entre elles, à part les substances, ou, ce qui est la même chose, leurs attributs et leurs affections », alors il en résulte que l'hétérogénéité de la nature des choses n'est autre que le constat de la diversité des affections de la substance.. Or cette hétérogénéité constitue l'ensemble de l'expérience accessible aux sens et à l'entendement et le sive Natura peut, sans solution de continuité, être substitué au sive Substantia, conclusion que Spinoza énoncera dans la quatrième partie de L'Éthique : « La puissance qui permet aux choses singulières, et par conséquent à l'homme, de conserver leur être, est la puissance même de Dieu, c'est-à-dire de la Nature ». A ce titre, il peut confier à Henri Oldenbourg : « Je n'établis pas entre Dieu et la nature la même séparation que les auteurs, à ma connaissance, ont établie », remarque qui conforte la tradition d'une lecture panthéiste de l'ontologie spinoziste, et que l'on peut opposer à l'effroi de Pascal, devant le silence de Dieu dans la nature : « Quand je considère [...] le petit espace que je remplis et même que je me vois abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent, je m'effraye et m'étonne... ». La nature est-elle offerte à l'intuition ?
La traduction de la proposition V de L'Éthique est problématique et son traducteur ne le cache pas. Quand le texte latin de Spinoza dit : « In rerum natura non possunt dari etc. », la traduction française de notre version de référence (ref LP), propose : « Dans la Nature il ne peut y avoir etc. » et effectue ainsi une identification totale entre l'essence des choses (natura rerum) et la totalité de l'être (Natura). Certes, in fine, il y a bien production d'un concept unique de Nature, mais au prix d'une absorption réciproque du fini et de l'infini, c'est-à-dire d'une disparition du singulier dans l'universel, comme le résume la célèbre formule qui a fort frappé Hegel : « Omnis determinatio est negatio », et dont Gilles Deleuze fournit un commentaire d'une efficace concision : « La Nature dite naturante (comme substance et cause) et la Nature dite naturée (comme effet et mode) sont prises dans les liens d'une mutuelle immanence : d'une part, la cause reste en soi pour produire ; d'autre part l'effet ou le produit reste dans la cause ». Ainsi, parce que : « Au sens où Dieu est dit cause de soi, il doit être dit aussi cause de toutes choses », la première figure de l'immanence spinoziste réside-t-elle dans le paradoxe de la confusion de la cause proche et de la cause éloignée. La clôture est donc totale qui rassemble en un même concept le géniteur et ses produits, et nous ramène ainsi dans la sphère extrêmement sensible du dogme de la création. Spinoza ne s'y trompe pas : dans la lettre à Oldenbourg déjà citée, il identifie cette question comme une des thèses qui peut « déplaire aux prédicants ». Quelle est donc la cause de l'homme, ou qui est la cause de l'homme ?
Le paysage est singulièrement brouillé par la présence de deux séries causales : celle « horizontale » des causes proches, disons pour faire court « de chose en chose », et celle « verticale » qui va des choses à Dieu. Bien que toute chose soit effectivement déterminée à agir (c'est-à-dire à avoir un effet) par une autre cause, elle aussi finie, « et ainsi à l'infini », la régression à l'infini de la chaîne des causes proches est une aporie. Elle relève, dit Spinoza avec humour, d'un « nouveau mode d'argumentation : la réduction, non à l'impossible, mais à l'ignorance » et le vulgus la poursuit jusqu'à l'ultime refuge : « la volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance ». Il faut donc sortir de la série horizontale par le rapport de nécessité qui lie chaque cause, non pas à la cause proche qui l'a déterminée, mais au principe dont dépend le fait qu'elle soit déterminée à produire un effet. L'Éthique établit, certes, que la substance n'est pas un principe existentiel indéfini et aléatoirement distribué, que l'on y trouve puissance, pouvoir et ordre, mais elle n'est pas pour autant tendue vers l'oméga d'une téléologie, puisqu'elle nie toute autorité qui parlerait au delà de la substance et taxe de « fictions humaines » tous les préjugés relatifs aux causes finales attribuées à la Nature.
Comment concilier l'absence de volonté de Dieu et l'ordre des choses ? Comment éviter le recours à un ordre créé et conservé dans un même geste volontaire ? En d'autres termes, le Dieu de Spinoza est-il un Dieu créateur ?
La réponse de Spinoza, esquissée dans le Court traité, est précisée dans le chapitre X des Pensées Métaphysiques (deuxième partie) :
« Nous disons donc que la création est une opération à laquelle ne concourent d'autres causes que l'efficiente, c'est-à-dire qu'une chose créée est une chose qui, pour exister, ne suppose avant elle rien d'autre que Dieu ». Or cette proposition est redoutablement subtile : d'une part elle est dans le droit fil de L'Éthique en affirmant que seule la cause efficiente concourt à la création, ce qui exclut toute cause finale ; d'autre part elle pose l'antériorité absolue de Dieu comme condition nécessaire à la création, et induit un problème évident de cohérence avec le concept d'immanence (car ce principe implique une circularité entre l'effet et la cause).
Le texte des Pensées Métaphysiques précise en outre : « Est créée toute chose dont l'essence est conçue clairement sans conception d'aucune existence, bien qu'elle se conçoive par elle-même ; comme par exemple la matière, dont nous avons un concept clair et distinct quand nous la concevons sous l'attribut de l'étendue, et que nous concevons avec une clarté et une distinction égales qu'elle existe ou n'existe pas ». On comprend en fait plus loin que cette distinction entre la création des modes finis et infinis est la conséquence d'une distinction qu'il emprunte à Thomas d'Aquin entre l'action de créer, qui produit l'essence et l'existence, et l'action d'engendrer qui ne produit que l'existence, au sens où l'homme engendre l'homme.
Mais ce qu'il conserve, c'est le mouvement d'un acte créateur des universaux qui procède de Dieu. La nature de cet acte nous semble, à vrai dire, difficile à cerner car Spinoza est sur ce thème, soit incisif et lapidaire, soit peu explicite.
Il rejette certes « la définition vulgaire » de la création ex nihilo, mais il conserve les connotations théologiques qui la caractérisent et que nous résumerons schématiquement en trois points:
1/ Il n'y avait ni temps ni durée avant la création, ce qui laisse entendre qu'il y a création, puisqu'il y a un « avant ».
2/ Dieu crée et conserve par la même opération, ce qui confirme un acte opératoire de la substance.
3/ Il n'existe hors de Dieu rien qui soit coéternel à Dieu, et nulle chose n'a pu être créée de toute éternité, ce qui confirme un principe d'antériorité hiérarchique entre la substance et ses modes, en particulier entre la substance et l'homme.
Hormis dans ses scolies, L'Éthique ne peut être le lieu d'une stratégie de la confrontation ou du consensus. C'est dans ses marges que s'édifient les contreforts, les bastions, les redoutes qui déforment la linéarité démonstrative et font entrevoir, au moins à titre de doute, des interrogations non explicitement formulées. On peut certes lire L'Éthique en substituant au mot « Dieu » le mot « substance » ou « nature », mais cette substitution n'implique pas un positionnement nouveau vis à vis d'un ordre nécessaire : « Les choses n'ont pu être produites par Dieu d'aucune autre manière, ni dans aucun ordre, qu'elles ont été produites». On aura effectivement laïcisé un cercle conceptuel entre l'infini et le fini, mais on aura maintenu une extériorité qui est celle de l'absolue nécessité : « Dans la nature, il n'y a donc rien de contingent ; mais toutes choses sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à produire d'une certaine façon ».
La nécessité de la nature divine à exister et à produire reste, chez Spinoza, le principe qui rend compte de l'incompréhensible existence du réel. Le Dieu de Spinoza a le masque de la substance, laquelle est le nom de la Nature. Autant de mots pour dire l'une des voies par lesquelles l'entendement oppose à la radicalité du néant la radicalité de la totalité éternelle et infinie, l'axiome qui permet de poser, face à l'impensable, un reposoir pour la raison.
L'être de la substance est le recours logique contre la négativité du non-être ; l'infini est un rempart de la raison contre le rien ; la nécessité est le recours contre la contingence absolue.
Mais ce Dieu a aussi un visage : celui d'une réquisition de l'esprit vers une vérité qui se situe dans l'au-delà du concept. Dans cet au-delà, le Dieu de Spinoza côtoie les figures multiples de la transcendance : le cheminement spinoziste vers la connaissance de Dieu, peut y être lu dans le même registre que le voyage initiatique des âmes dans la sphère des Idées, tel que le décrit le mythe platonicien de Phèdre. Ce mouvement de laïcisation du théologique est, chez Spinoza, d'une extrême originalité : il a eu peu de précurseurs et aura peu de successeurs, encore moins de thuriféraires. Si Spinoza reste une brillante anomalie c'est précisément parce qu'il pousse très au delà des limites fixées par Descartes les conséquences de son axiomatique.
Le Dieu de Moïse est législateur quand il fixe, dans un acte qui relève de sa seule volonté et de son autorité, les tables de la loi ; le Dieu chrétien et catholique de Descartes universalise et individualise les commandements donnés au peuple juif, mais le Dieu de Spinoza est législateur « par nature », et non pas par volonté, et à ce titre les termes de sa loi naturelle ont une extension infinie.
Chacun est libre de définir une chose ou un concept comme il l'entend, à partir du moment où cette définition n'est pas auto-contradictoire et respecte les principes de base de la linguistique. Par exemple : chacun sait que la somme des angles d'un triangle est égal à 180°. Libre à moi d'appeler "triangle hyperangulé" un polygone du plan ayant trois côtés et dont la somme des angles est supérieure à 180° (ne serait-ce que pour démontrer qu'il n'existe pas).
Les définitions de Spinoza sont soigneusement choisies en fonction du but qu'il s'assigne : dans le livre I, l'existence de Dieu et les conséquences qu'il en tirera. Le meilleur exemple qu'on puisse en donner est la définition spinoziste de la substance (définition III). En philosophie, ce mot a eu des interprétations diverses chez Platon, Aristote, Descartes etc. En général il s'agit en quelque sorte du substrat qui subsiste quelles que soient les transformations subies. Par exemple on a pu dire (pas Spinoza) que la substance d'une bougie est la cire puisque la cire subsiste sous une forme ou une autre, quel que soit l'état de la bougie (intacte ou fondue). Spinoza innove en précisant que la substance est "ce qui créé par soi", c'est-à-dire qu'elle n'a besoin d'aucun autre concept pour être. C'est un ajout fondamental, comme on le verra.
Il faut prendre garde à ne pas confondre "attribut" et "mode" (définitions IV et V). Un attribut est ce par quoi une substance existe. C'est un concept intrinsèque à la substance. Certains ont même pu dire que la substance n'était pas autre chose que l'ensemble de ses attributs. Le mode par contre est quelque chose qui affecte (i.e. qui modifie) la manière d'être de la substance. Par exemple (exemple non spinoziste), si on pense que l'atmosphère est une substance, le vent est un mode, c'est à dire une manière d'être de cette substance. Mais le vent existe de manière extrinsèque à la substance : il n'y a pas de vent sans atmosphère, mais il n'y a pas nécessairement du vent dans l'atmosphère.
Concernant Dieu (définition VI) il est intéressant de noter que la définition de Spinoza est "stratégique". Il n'utilise que ses propres définitions antérieures. La définition de Descartes est basée sur les concepts de "perfection" et de "défaut" mais on peut établir un "pont" entre Descartes et Spinoza si l'on admet que Descartes considère la perfection comme étant la possession d'une "infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie".
La définition de Dieu n'exige que la simple adhésion à la cohérence logique de sa formulation, et n'est intelligible que parce que préalablement ont été définis la substance et ses attributs.
Les axiomes (ref. A.G)
Pour Descartes, comme pour Spinoza, un axiome est une proposition dont notre entendement a une version claire et indubitable et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer.
I. Toutes les choses qui sont, sont ou bien en soi, ou bien en autre chose.
II. Ce qui ne peut être conçu par autre chose, doit être conçu par soi.
III. D’une cause déterminée donnée, suit nécessairement un effet, et au contraire, si nulle cause déterminée n’est donnée, il est impossible qu’un effet suive.
IV. La connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe.
V. Les choses qui n’ont rien de commun l’une avec l’autre ne peuvent non plus être comprises l’une par l’autre, autrement dit le concept de l’une n’enveloppe pas le concept de l’autre.
VI. Une idée vraie doit convenir avec l’objet qu’elle représente.
VII. Tout ce qui peut être conçu comme non existant, son essence n’enveloppe pas l’existence.
La démonstration
Toutes les propositions citées sont issues de la traduction ref.AG.
Proposition I : "La substance est antérieure par nature à ses affections ".
Cette proposition est évidente d'après les définitions de la substance et du mode (définitions III et V). Le mot "antérieur" n'a pas, à mon avis, de connotation chronologique. Il signifie : antérieur dans l'ordre de compréhension des concepts par l'entendement.
Proposition II : "Deux substances ayant des attributs différents n’ont rien de commun entre elles."
Proposition évidente d'après la définition de la substance (définition III) : une substance étant conçu en soi et par soi ne peut être enveloppé et ne peut envelopper une autre substance. le verbe "envelopper" doit se comprendre ici au sens de la théorie des ensembles, c'est-à-dire " inclure".
Proposition III : " Des choses qui n’ont rien de commun entre elles, l’une ne peut être la cause de l’autre."
Proposition évidente en vertu de l'axiome n° V. Si une chose est cause de l'autre, les deux choses ont obligatoirement quelque chose en commun. Par exemple : les parents sont cause de la naissance de leur enfant. Ils ont en commun avec lui d'être des humains (ou des animaux).
Proposition IV : "Deux ou plusieurs choses distinctes se distinguent entre elles ou d’après la diversité des substances, ou d’après la diversité des affections de ces substances".
En effet l'axiome I implique qu'une chose ne peur être qu'en soi (cause de soi, donc substance) ou en autre chose (impliquant une autre substance). La nature de la substance peut donc être cause de la diversité. Par contre elles peuvent différer, bien que dotées de la même substance, si cette substance a connu des affections qui ont produit des choses différentes.
Proposition V : "Dans la Nature des choses, ne peuvent être données deux ou plusieurs substances de même nature ou attribut."
Il faut noter que le mot "nature" apparaît ici une fois avec une majuscule et une seconde fois avec une minuscule. Cette distinction est expliqué en note par ref.LP de la manière suivante : le in latin initial (dans) n'a aucun sens spatial. Il faut interpréter, à mon avis, comme suit : la Nature (l'ensemble des essences des êtres) ne peut
être constituée de substances différentes ou de substances ayant des attributs différents (ce qui revient au même pour Spinoza puisqu'il assimile la substance à l'ensemble de ses attributs).
La démonstration de cette proposition (essentielle car elle conduira au constat de l'unicité de la substance ) découle de la proposition IV précédente. En effet, s'il existait dans la Nature des substances de même nature (exprimant le même concept) différentes, elles ne pourraient différer que par la diversité de leurs attributs ou par la diversité de leurs affections. Or, si deux substances de même nature diffèrent par leurs attributs cela signifie qu'il n'existe qu'une seule substance dotée de la totalité des attributs de chacune d'entre elles (puisque ces substances sont de même nature). Si par contre on envisage que plusieurs substances différent par leurs affections on est en contradiction avec la proposition I dont la validité a été démontrée. En effet puisqu'une substance est obligatoirement antérieure à ses affections ce ne sont pas les substances qui diffèrent mais leur mode.
Proposition VI : "Une substance ne peut être produite par une autre substance."
La démonstration me semble évidente en se référant simplement à la définition de la substance (définition III). Mais Spinoza développe d'abord une démonstration qui se réfère (dans l'ordre) aux propositions V, II et III. IL ajoute une seconde démonstration qui ne fait appel qu'à la définition de la substance et à l'axiome IV.
Proposition VII : "Il appartient à la nature de la substance d'exister."
La définition de la substance indique qu'elle est cause de soi. En conséquence cela implique qu'elle ne peut être créée par une autre substance (ce que nous savons déjà grâce à la proposition VI), donc que ses attributs incluent l'existence.
Spinoza insiste beaucoup sur cette proposition (et on comprend pourquoi quand on sait où il veut en venir). Dans la scolie II de la proposition VIII il met en garde le lecteur contre la possibilité de confondre les substances et les modifications des substances (leurs modes) : ref.AG
"Je ne doute pas qu’à tous ceux qui jugent confusément des choses, et qui n’ont pas accoutumé de connaître les choses par leurs causes premières, il ne soit difficile de concevoir la démonstration de la proposition 7 ; parce que, certes, ils ne distinguent pas entre les modifications des substances et les substances elles-mêmes, et qu’ils ne savent pas comment les choses se produisent. [...] Si, au contraire, les hommes portaient leur attention sur la nature de la substance, ils ne douteraient nullement de la vérité de la proposition 7 ; bien plus, cette proposition serait pour tous un axiome et serait comptée parmi les notions communes. Car, par substance, ils entendraient ce qui est en soi et est conçu par soi, c’est-à-dire ce dont la connaissance n’a pas besoin de la connaissance d’une autre chose ; par modifications d’autre part, ce qui est en autre chose, et desquelles le concept est formé du concept de la chose en quoi elles sont."
En fait Spinoza n'indique rien de nouveau ici. Il précise simplement au lecteur que pour comprendre ce qu'il dit, il faut le lire attentivement et, en particulier lire et comprendre les définitions préalables.
Proposition VIII : "Toute substance est nécessairement infinie".
En effet : supposons qu'une substance soit finie. Alors, selon la définition II, elle doit être limitée par une autre de même nature, qui existerait nécessairement en vertu de la proposition VII. Mais dans ce cas, on serait en contradiction avec la proposition V qui indique qu'il ne peut exister deux ou plusieurs substances de même nature.
Proposition IX : "D’autant plus de réalité ou d’être possède chaque chose, d’autant plus d’attributs lui appartiennent."
En guise de démonstration, Spinoza indique simplement : " Cela est évident d'après la définition 4".
Mais que signifie "posséder plus de réalité ou d'être". Mon interprétation est : posséder plus ou moins de manifestations permettant à notre entendement de saisir la réalité de la chose. Si cette interprétation est correcte, il est exact que la proposition IX est immédiatement démontrée par la définition IV (définition des attributs) puisque ce sont les attributs qui "éclairent" ce qu'est la substance, dont la chose est un mode.
Proposition X : "Chacun des attributs d’une substance doit être conçu par soi".
Cette proposition est évidente quand on a compris qu'une substance n'est pas autre chose que l'ensemble de ses attributs.
Proposition XI : "Dieu, autrement dit une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement."
Le Livre I de l'Éthique contient 36 propositions. Onze ont été nécessaires pour arriver à la conclusion : "Dieu existe nécessairement". Spinoza propose trois démonstrations différentes pour cette proposition cruciale. Je n'analyserai que la première, qui me semble la plus facile à comprendre si on a assimilé ce qui précède (on trouvera toutefois, à la fin de ce paragraphe, un aperçu des deux autres démonstrations. La première démonstration est une démonstration par l'absurde consistant à dire que si Dieu n'existe pas (i.e. si la proposition XI n'est pas valide) il existe des contradictions entre différents points antérieurs dont la validité a été démontrée. Plus précisément ici : l'hypothèse de la non-existence de Dieu implique une contradiction entre la proposition VII et l'axiome VII. En effet, il a été démontré par la proposition VII qu'il appartient à la nature de la substance d'exister ; par contre l'axiome VII indique ; "Tout ce qui peut être conçu comme non existant, son essence n’enveloppe pas l’existence."
Donc, si nous concevons Dieu comme non-existant, il lui appartient quand même d'exister (proposition VII) puisqu'il a été défini comme une substance. Il est clair que Dieu ne peut pas à la fois exister et ne pas exister. La présence d'une contradiction implique que l'hypothèse "Dieu n'existe pas" est une absurdité logique.
Aperçu sur les deux autres démonstrations (source)
Deuxième démonstration
1. Ce qui n'a nulle raison ou cause qui empêche son existence existe nécessairement ;
2. or aucune raison ou cause n'empêche Dieu d'exister ;
3. donc Dieu existe nécessairement.
Troisième démonstration
1. Pouvoir ne pas exister est une impuissance, pouvoir exister une puissance ;
2. or nous existons, et sommes des êtres finis ;
3. donc si Dieu (être infini) n'existait pas, des êtres finis seraient plus puissants que l'être infini, ce qui est absurde. Donc Dieu existe.
Analyse critique
La démonstration de Spinoza est à la fois extrêmement rigoureuse et extrêmement fragile.
Elle est rigoureuse car elle est conduite comme un raisonnement mathématique. Chaque proposition est démontrée (sur la base d'axiomes et de définitions) et aucune affirmation de Spinoza n'est posée sans fondement pour la justifier.
Mais elle est aussi extrêmement fragile (c'est-à-dire réfutable) comme toutes les preuves ontologiques de l'existence de Dieu. Dans ce type de preuve on confond en effet le concept et la réalité. Si on pose a priori, en tant que définition, que Dieu est une substance dont on définit les attributs et si par ailleurs on définit la substance comme compatible avec la définition que l'on a donné de Dieu, tout le raisonnement, aussi rigoureux soit-il, n'est autre qu'une tautologie. En fait, ce que démontre essentiellement Spinoza c'est que ses différentes définitions sont harmonieusement compatibles mais il ne montre nullement qu'elles résultent d'un jugement synthétique, partant de la réalité objectivement observable pour aboutir à un concept absolument nécessaire.
En fait, malgré sa rigueur mathématique, le raisonnement de Spinoza est totalement a-scientifique. On peut rétorquer que l'objet traité (Dieu) ne relève pas de la science. Mais c'est Spinoza lui-même qui revendique pour l'Éthique la rigueur géométrique.
Cette critique ne démontre pas que Dieu n'existe pas mais l'analyse de Spinoza ne démontre certainement pas que Dieu "existe nécessairement".
Henri Oldenburg, correspondant de Spinoza, ne s'y trompe pas, qui objecte en effet qu'il lui semble « que des définitions ne peuvent contenir autre chose que des concepts de notre esprit » et que, puisque l'esprit humain est apte à concevoir des chimères, il ne voit pas « comment de ce concept que j'ai de Dieu, je puis en inférer son existence ». Quelle est la réponse de Spinoza ? Elle rétablit brièvement et sèchement un point de doctrine : l'existence d'une chose définie ne suit pas de sa définition, mais « de la définition ou de l'idée d'un attribut, c'est-à-dire [...] d'une chose qui se conçoit en soi et par soi ». Autrement dit : toute réfutation fondée sur l'instabilité conceptuelle d'un « être verbal » est non avenue car ce n'est pas de la définition que peut résulter l'existence des réalités naturelles. La réfutation ne peut venir que de l'identification de la cause externe ou interne qui fonde l'impossibilité de l'existence de la chose.
Concernant la cause interne, l'argumentation ne pose guère problème : un cercle carré n'existe pas car sa nature (cause interne) renferme une contradiction, ce qui n'est évidemment pas le cas de Dieu dont, par définition, l'existence est contenue dans l'essence .
Mais, s'agissant de la cause externe, l'argumentation est plus délicate. Dieu peut-il être une fiction ? Pourquoi l'idée de Dieu a-t-elle, pour Spinoza, plus de solidité que l'idée d'une terre qui ne serait pas ronde ? La réponse de Spinoza est la suivante : « Je crée une fiction aussi longtemps que je ne vois ni impossibilité ni nécessité : au contraire, si j'avais compris l'une ou l'autre, j'aurais été dans l'impossibilité absolue de forger une fiction».
Ainsi se précise l'argumentaire qui se déploie sur deux strates : une strate interne sur laquelle se lit la cohérence de l'idée de Dieu, c'est-à-dire sa capacité quasi-mathématique à satisfaire au principe de non-contradiction ; une strate externe qui relève de la persuasion : la capacité de l'entendement à. discerner le vrai et le faux par une opération qui ne relève plus du champ spéculatif mais de l'adhésion volontaire et individuelle, de l'accord du concept à la raison : « Car on suppose connue [...j la vérité de cet axiome suivant lequel toute définition, c'est-à-dire toute idée claire et distincte, est vraie ». Sur cette strate l'adéquation du concept au réel est rebelle à la preuve expérimentale et Spinoza revendique sans ambages cet effacement de la raison : « Nous n'avons jamais besoin de l'expérience, si ce n'est pour des choses qui ne peuvent se tirer d'une définition : par exemple, l'existence des modes, qui ne peuvent se conclure de la définition des choses. Mais l'expérience est inutile pour ces choses dont l'existence n'est pas distincte de leur essence et qui se concluent donc de leur définition. Bien mieux, aucune expérience ne nous donnera jamais une telle connaissance ; le plus qu'on puisse attendre de l'expérience, c'est qu'elle détermine notre esprit à ne penser que certaines essences des choses ».
On sait que Spinoza a été poursuivi par l'accusation d'athéisme. Pourtant un philosophe qui pose Dieu comme seule cause efficiente de toutes choses, et qui fait de la connaissance de Dieu la source de la béatitude, ne peut, sans paradoxe, être accusé de nier Dieu. Si le paradoxe a pu être soutenu, c'est que le Dieu de Spinoza est un concept d'une extension et d'une abstraction telles que les religions du Livre, non seulement ne peuvent y retrouver leurs jalons canoniques, mais de plus s'y trouvent contredites sur des points de dogme particulièrement sensibles, tels que l'universalité de la loi donnée à Moïse au Sinaï ou le caractère sacré des Écritures.
Paganisme peut-être, et non athéisme, si l'on donne au premier terme un sens dégagé de toute acception polythéiste : le Dieu ne Spinoza ne peut être qu'un puisqu'il est, par définition, l'unité absolue. Panthéisme sans doute, pour la même raison qui pose la substance comme infiniment exprimée dans la Nature, mais avec des nuances qui hiérarchisent les modes d'être.
En guise de conclusion : que signifie "Deus sive Natura" (Dieu, c'est-à-dire la nature) ?
L'unicité de la substance, qui fait l'objet de la cinquième proposition de L'Éthique implique directement son identification à la Nature.
En effet, si : « Il n'y a rien hors de l'entendement, par quoi plusieurs choses peuvent se distinguer entre elles, à part les substances, ou, ce qui est la même chose, leurs attributs et leurs affections », alors il en résulte que l'hétérogénéité de la nature des choses n'est autre que le constat de la diversité des affections de la substance.. Or cette hétérogénéité constitue l'ensemble de l'expérience accessible aux sens et à l'entendement et le sive Natura peut, sans solution de continuité, être substitué au sive Substantia, conclusion que Spinoza énoncera dans la quatrième partie de L'Éthique : « La puissance qui permet aux choses singulières, et par conséquent à l'homme, de conserver leur être, est la puissance même de Dieu, c'est-à-dire de la Nature ». A ce titre, il peut confier à Henri Oldenbourg : « Je n'établis pas entre Dieu et la nature la même séparation que les auteurs, à ma connaissance, ont établie », remarque qui conforte la tradition d'une lecture panthéiste de l'ontologie spinoziste, et que l'on peut opposer à l'effroi de Pascal, devant le silence de Dieu dans la nature : « Quand je considère [...] le petit espace que je remplis et même que je me vois abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent, je m'effraye et m'étonne... ». La nature est-elle offerte à l'intuition ?
La traduction de la proposition V de L'Éthique est problématique et son traducteur ne le cache pas. Quand le texte latin de Spinoza dit : « In rerum natura non possunt dari etc. », la traduction française de notre version de référence (ref LP), propose : « Dans la Nature il ne peut y avoir etc. » et effectue ainsi une identification totale entre l'essence des choses (natura rerum) et la totalité de l'être (Natura). Certes, in fine, il y a bien production d'un concept unique de Nature, mais au prix d'une absorption réciproque du fini et de l'infini, c'est-à-dire d'une disparition du singulier dans l'universel, comme le résume la célèbre formule qui a fort frappé Hegel : « Omnis determinatio est negatio », et dont Gilles Deleuze fournit un commentaire d'une efficace concision : « La Nature dite naturante (comme substance et cause) et la Nature dite naturée (comme effet et mode) sont prises dans les liens d'une mutuelle immanence : d'une part, la cause reste en soi pour produire ; d'autre part l'effet ou le produit reste dans la cause ». Ainsi, parce que : « Au sens où Dieu est dit cause de soi, il doit être dit aussi cause de toutes choses », la première figure de l'immanence spinoziste réside-t-elle dans le paradoxe de la confusion de la cause proche et de la cause éloignée. La clôture est donc totale qui rassemble en un même concept le géniteur et ses produits, et nous ramène ainsi dans la sphère extrêmement sensible du dogme de la création. Spinoza ne s'y trompe pas : dans la lettre à Oldenbourg déjà citée, il identifie cette question comme une des thèses qui peut « déplaire aux prédicants ». Quelle est donc la cause de l'homme, ou qui est la cause de l'homme ?
Le paysage est singulièrement brouillé par la présence de deux séries causales : celle « horizontale » des causes proches, disons pour faire court « de chose en chose », et celle « verticale » qui va des choses à Dieu. Bien que toute chose soit effectivement déterminée à agir (c'est-à-dire à avoir un effet) par une autre cause, elle aussi finie, « et ainsi à l'infini », la régression à l'infini de la chaîne des causes proches est une aporie. Elle relève, dit Spinoza avec humour, d'un « nouveau mode d'argumentation : la réduction, non à l'impossible, mais à l'ignorance » et le vulgus la poursuit jusqu'à l'ultime refuge : « la volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance ». Il faut donc sortir de la série horizontale par le rapport de nécessité qui lie chaque cause, non pas à la cause proche qui l'a déterminée, mais au principe dont dépend le fait qu'elle soit déterminée à produire un effet. L'Éthique établit, certes, que la substance n'est pas un principe existentiel indéfini et aléatoirement distribué, que l'on y trouve puissance, pouvoir et ordre, mais elle n'est pas pour autant tendue vers l'oméga d'une téléologie, puisqu'elle nie toute autorité qui parlerait au delà de la substance et taxe de « fictions humaines » tous les préjugés relatifs aux causes finales attribuées à la Nature.
Comment concilier l'absence de volonté de Dieu et l'ordre des choses ? Comment éviter le recours à un ordre créé et conservé dans un même geste volontaire ? En d'autres termes, le Dieu de Spinoza est-il un Dieu créateur ?
La réponse de Spinoza, esquissée dans le Court traité, est précisée dans le chapitre X des Pensées Métaphysiques (deuxième partie) :
« Nous disons donc que la création est une opération à laquelle ne concourent d'autres causes que l'efficiente, c'est-à-dire qu'une chose créée est une chose qui, pour exister, ne suppose avant elle rien d'autre que Dieu ». Or cette proposition est redoutablement subtile : d'une part elle est dans le droit fil de L'Éthique en affirmant que seule la cause efficiente concourt à la création, ce qui exclut toute cause finale ; d'autre part elle pose l'antériorité absolue de Dieu comme condition nécessaire à la création, et induit un problème évident de cohérence avec le concept d'immanence (car ce principe implique une circularité entre l'effet et la cause).
Le texte des Pensées Métaphysiques précise en outre : « Est créée toute chose dont l'essence est conçue clairement sans conception d'aucune existence, bien qu'elle se conçoive par elle-même ; comme par exemple la matière, dont nous avons un concept clair et distinct quand nous la concevons sous l'attribut de l'étendue, et que nous concevons avec une clarté et une distinction égales qu'elle existe ou n'existe pas ». On comprend en fait plus loin que cette distinction entre la création des modes finis et infinis est la conséquence d'une distinction qu'il emprunte à Thomas d'Aquin entre l'action de créer, qui produit l'essence et l'existence, et l'action d'engendrer qui ne produit que l'existence, au sens où l'homme engendre l'homme.
Mais ce qu'il conserve, c'est le mouvement d'un acte créateur des universaux qui procède de Dieu. La nature de cet acte nous semble, à vrai dire, difficile à cerner car Spinoza est sur ce thème, soit incisif et lapidaire, soit peu explicite.
Il rejette certes « la définition vulgaire » de la création ex nihilo, mais il conserve les connotations théologiques qui la caractérisent et que nous résumerons schématiquement en trois points:
1/ Il n'y avait ni temps ni durée avant la création, ce qui laisse entendre qu'il y a création, puisqu'il y a un « avant ».
2/ Dieu crée et conserve par la même opération, ce qui confirme un acte opératoire de la substance.
3/ Il n'existe hors de Dieu rien qui soit coéternel à Dieu, et nulle chose n'a pu être créée de toute éternité, ce qui confirme un principe d'antériorité hiérarchique entre la substance et ses modes, en particulier entre la substance et l'homme.
Hormis dans ses scolies, L'Éthique ne peut être le lieu d'une stratégie de la confrontation ou du consensus. C'est dans ses marges que s'édifient les contreforts, les bastions, les redoutes qui déforment la linéarité démonstrative et font entrevoir, au moins à titre de doute, des interrogations non explicitement formulées. On peut certes lire L'Éthique en substituant au mot « Dieu » le mot « substance » ou « nature », mais cette substitution n'implique pas un positionnement nouveau vis à vis d'un ordre nécessaire : « Les choses n'ont pu être produites par Dieu d'aucune autre manière, ni dans aucun ordre, qu'elles ont été produites». On aura effectivement laïcisé un cercle conceptuel entre l'infini et le fini, mais on aura maintenu une extériorité qui est celle de l'absolue nécessité : « Dans la nature, il n'y a donc rien de contingent ; mais toutes choses sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à produire d'une certaine façon ».
La nécessité de la nature divine à exister et à produire reste, chez Spinoza, le principe qui rend compte de l'incompréhensible existence du réel. Le Dieu de Spinoza a le masque de la substance, laquelle est le nom de la Nature. Autant de mots pour dire l'une des voies par lesquelles l'entendement oppose à la radicalité du néant la radicalité de la totalité éternelle et infinie, l'axiome qui permet de poser, face à l'impensable, un reposoir pour la raison.
L'être de la substance est le recours logique contre la négativité du non-être ; l'infini est un rempart de la raison contre le rien ; la nécessité est le recours contre la contingence absolue.
Mais ce Dieu a aussi un visage : celui d'une réquisition de l'esprit vers une vérité qui se situe dans l'au-delà du concept. Dans cet au-delà, le Dieu de Spinoza côtoie les figures multiples de la transcendance : le cheminement spinoziste vers la connaissance de Dieu, peut y être lu dans le même registre que le voyage initiatique des âmes dans la sphère des Idées, tel que le décrit le mythe platonicien de Phèdre. Ce mouvement de laïcisation du théologique est, chez Spinoza, d'une extrême originalité : il a eu peu de précurseurs et aura peu de successeurs, encore moins de thuriféraires. Si Spinoza reste une brillante anomalie c'est précisément parce qu'il pousse très au delà des limites fixées par Descartes les conséquences de son axiomatique.
Le Dieu de Moïse est législateur quand il fixe, dans un acte qui relève de sa seule volonté et de son autorité, les tables de la loi ; le Dieu chrétien et catholique de Descartes universalise et individualise les commandements donnés au peuple juif, mais le Dieu de Spinoza est législateur « par nature », et non pas par volonté, et à ce titre les termes de sa loi naturelle ont une extension infinie.
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