Le 24 juin, Fabienne Kabou, 39 ans, a été condamnée à 20 ans de prison, pour avoir volontairement tué son bébé, sans mobile apparent (peut-il y en avoir un quand il s'agit d'un bébé ?) en l'abandonnant volontairement sur une plage lors de la marée montante. Le crime est établi, avoué sans aucune rétractation, et la préméditation est certaine. Il ne s'agissait donc pas d'établir la culpabilité mais d'estimer si on devait reconnaître à l'accusée, au moment de l'acte, une altération de son discernement. En d'autres termes, était-elle en pleine possession de ses capacités psychiques ? Si ce n'est pas le cas, la peine à perpétuité qu'elle encourait devait automatiquement être réduite, au maximum à 30 ans de prison. Fabienne Kabou est belle, intelligente (QI 135) et, franco-sénégalaise, s'exprime avec clarté dans un français parfait.
Mon but ici n'est pas d'épiloguer sur ce fait divers tragique, mais de commenter une phrase de l'avocat général Luc Frémiot, (chargé de l'accusation) qui a dit dans sa plaidoirie qu'il s'agissait d'un cas « psychanalytique » et non pas « psychiatrique ». Il existerait donc des cas qui relèvent de la psychanalyse et d'autres de la psychiatrie, avec le sous-entendu que le cas psychiatrique pourrait avoir des conséquences plus graves, plus sérieuses que le cas psychiatrique ?
N'étant pas un spécialiste, j'ai toujours pensé que la différence entre un psychiatre et un psychanalyste était essentiellement que le premier avait fait des études de médecine générale et avait le droit de prescrire des remèdes. Il ya certainement d'autres différences quant à la pratique, mais, pour ce qui m'intéresse ici, peu importe.
Ce que je constate avec surprise, et avec un peu d'effroi, c'est qu'un avocat général (qui représente donc la République) estime être assez compétent pour savoir faire la différence entre un "cas psychiatrique" et un "cas psychanalytique". Ces mots ont-ils d'ailleurs un sens ? Je suppose qu'il a voulu dire que Fabienne Kabou relève d'une thérapie psychanalytique et non pas d'une thérapie psychiatrique. Supposons-le. Quelle est la différence ? Un psychiatre traite des phénomènes "catalogués" d'altération psychique soignés par la chimie ou autres procédés mécaniques (electrochocs). Un psychanalyste, autant que je le sache, met en évidence des éléments enfouis, volontairement ou non, dans la mémoire et qui jouent un rôle prépondérant dans le comportement actuel du sujet. Mais in fine on est face à un fait gravissime, un infanticide et ce, quelle que soit la thérapie qu'a suivi (ou qu'aurait dû suivre) l'accusée.
Or l'enjeu, pour l'avocat général était important. Par devoir (sauf cas très rare) ses efforts tendent à faire condamner un présumé coupable. Dans le cas de Fabienne Kabou c'était facile. Mais ce qui l'était moins était de faire en sorte que son comportement ne soit pas considéré comme relevant de la psychiatrie ; en d'autres termes, et en le disant sans nuance, l'enjeu était qu'on ne la considère pas comme folle. Je sais que le mot "folie" n'a guère de sens pour un spécialiste car il le décline en multiples variantes. Disons donc plutôt "un comportement hors des normes quasi-universellement admises". Pour arriver à ses fins, Luc Frémiot a inventé une nouvelle catégorie judiciaire : le cas psychanalytique.
Si on adhère au raisonnement de cet avocat général, on doit donc admettre qu'il y a deux manières différentes de tuer son enfant : une manière psychiatrique et une manière psychanalytique ! On doit admettre qu'il y a deux manières d'être atteint d'une altération de son discernement : une manière psychiatrique et une manière psychanalytique ! Il y a ce qui relève de la camisole de force et ce qui relève d'entretiens polis sur un divan ? Mais si l'une et/ou l'autre des deux thérapies n'évite pas le drame, quelle est, d'un point de vue judiciaire, la diffférence entre deux ?
Fabienne Kabou n'était pas "folle" au sens usuel du terme (elle ne se prenait pas pour la Phytie de Delphes et ne se promenait pas déguisée en sorcière) mais elle a commis la folie de tuer sa fille. Est-ce qu'on peut commettre des actes de folie sans être fou ? Bien entendu. Napoléon n'était certainement pas fou mais il a commis la folie de faire massacrer des centaines de milliers de jeunes gens. Mais si on admet que seule la psychiatrie traite la "folie" en tant que comportement hors-norme et que ce qui ne relève pas de la psychiatrie, mais de la psychanalyse, est "dans la norme", alors il faut faire d'urgence une communication à ce sujet à l'Académie des Sciences !
Mon but ici n'est pas d'épiloguer sur ce fait divers tragique, mais de commenter une phrase de l'avocat général Luc Frémiot, (chargé de l'accusation) qui a dit dans sa plaidoirie qu'il s'agissait d'un cas « psychanalytique » et non pas « psychiatrique ». Il existerait donc des cas qui relèvent de la psychanalyse et d'autres de la psychiatrie, avec le sous-entendu que le cas psychiatrique pourrait avoir des conséquences plus graves, plus sérieuses que le cas psychiatrique ?
Source de l'illustration |
N'étant pas un spécialiste, j'ai toujours pensé que la différence entre un psychiatre et un psychanalyste était essentiellement que le premier avait fait des études de médecine générale et avait le droit de prescrire des remèdes. Il ya certainement d'autres différences quant à la pratique, mais, pour ce qui m'intéresse ici, peu importe.
Ce que je constate avec surprise, et avec un peu d'effroi, c'est qu'un avocat général (qui représente donc la République) estime être assez compétent pour savoir faire la différence entre un "cas psychiatrique" et un "cas psychanalytique". Ces mots ont-ils d'ailleurs un sens ? Je suppose qu'il a voulu dire que Fabienne Kabou relève d'une thérapie psychanalytique et non pas d'une thérapie psychiatrique. Supposons-le. Quelle est la différence ? Un psychiatre traite des phénomènes "catalogués" d'altération psychique soignés par la chimie ou autres procédés mécaniques (electrochocs). Un psychanalyste, autant que je le sache, met en évidence des éléments enfouis, volontairement ou non, dans la mémoire et qui jouent un rôle prépondérant dans le comportement actuel du sujet. Mais in fine on est face à un fait gravissime, un infanticide et ce, quelle que soit la thérapie qu'a suivi (ou qu'aurait dû suivre) l'accusée.
Or l'enjeu, pour l'avocat général était important. Par devoir (sauf cas très rare) ses efforts tendent à faire condamner un présumé coupable. Dans le cas de Fabienne Kabou c'était facile. Mais ce qui l'était moins était de faire en sorte que son comportement ne soit pas considéré comme relevant de la psychiatrie ; en d'autres termes, et en le disant sans nuance, l'enjeu était qu'on ne la considère pas comme folle. Je sais que le mot "folie" n'a guère de sens pour un spécialiste car il le décline en multiples variantes. Disons donc plutôt "un comportement hors des normes quasi-universellement admises". Pour arriver à ses fins, Luc Frémiot a inventé une nouvelle catégorie judiciaire : le cas psychanalytique.
Si on adhère au raisonnement de cet avocat général, on doit donc admettre qu'il y a deux manières différentes de tuer son enfant : une manière psychiatrique et une manière psychanalytique ! On doit admettre qu'il y a deux manières d'être atteint d'une altération de son discernement : une manière psychiatrique et une manière psychanalytique ! Il y a ce qui relève de la camisole de force et ce qui relève d'entretiens polis sur un divan ? Mais si l'une et/ou l'autre des deux thérapies n'évite pas le drame, quelle est, d'un point de vue judiciaire, la diffférence entre deux ?
Fabienne Kabou n'était pas "folle" au sens usuel du terme (elle ne se prenait pas pour la Phytie de Delphes et ne se promenait pas déguisée en sorcière) mais elle a commis la folie de tuer sa fille. Est-ce qu'on peut commettre des actes de folie sans être fou ? Bien entendu. Napoléon n'était certainement pas fou mais il a commis la folie de faire massacrer des centaines de milliers de jeunes gens. Mais si on admet que seule la psychiatrie traite la "folie" en tant que comportement hors-norme et que ce qui ne relève pas de la psychiatrie, mais de la psychanalyse, est "dans la norme", alors il faut faire d'urgence une communication à ce sujet à l'Académie des Sciences !
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