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vendredi 10 juin 2016

BREF APERÇU SUR LA LOGIQUE FLOUE (SANS LES MATHS !)

Une lectrice douée, que les maths ennuient mais qui est intéressée par le sujet traité dans mon blog, m'a demandé de parler de la logique floue sans utiliser ni formules mathématiques, ni graphiques. Tâche ardue ! Je vais me limiter à des généralités ...un peu floues, et à des exemples.


Source de l'illustration


La logique floue (fuzzy logic en anglais) est une méthode de raisonnement qui permet de traiter des problèmes dont l'énoncé n'est pas totalement explicite.


  • Par exemple : si je considère l'ensemble  T des habitants de la terre qui mesurent 1m75 ou plus de 1m75, la définition de l'ensemble est dépourvue de toute ambiguïté. Pour chaque habitant de la terre je pourrai dire avec certitude s'il appartient ou non à T. Par contre, si je définis un autre ensemble S comme étant l'ensemble des personnes de grande taille, le concept "grande taille" est flou. Je pourrai dire, à coup sûr qu'une personne de 2 m appartient à S ; je pourrai dire également à coup sûr qu'une personne de 1m70 n'appartient pas à S. Mais comment qualifier un homme de 1m80 ? 
  • Autre exemple : je peux dire d'une eau qu'elle est froide ou chaude. Je ne me tromperai pas si je dis qu'entre 0° et 20° l'eau est froide et qu'entre 60° et 100° l'eau est chaude. Mais comment qualifier une eau à 30° ou 40°?

Le principe général de la logique floue est de quantifier la proximité des zones intermédiaires floues avec des zones de certitude. Quantifier signifie : attribuer à un variable (la température dans le dernier exemple) une valeur (un nombre) qui permet d'estimer si cette température est plus ou moins proche de la température d'une eau froide ou d'une eau chaude. En d'autres termes, pour l'exemple qui précède, cela revient à calculer si l'eau à 30° est plutôt proche de l'état froid ou de l'état chaud. 

Quid de l'eau tiède ?

Je suppose qu'entre 25° et 30° une eau peut certainement être qualifiée de "tiède", qu'en dessous de 15° elle n'est pas tiède mais indubitablement froide et qu' au dessus de 50° elle n'est pas tiède mais indubitablement chaude.
Dans cet exemple j'ai trois zones de certitude :

  • entre 0° et 15° l'eau est froide,
  • entre 25° et 30° l'eau est tiède,
  • entre 50° et 100 ° l'eau est chaude.

Et j'ai deux zones intermédiaires pour lesquelles je ne sais pas comment qualifier l'eau :
  • entre 15° et 25° (est-elle froide ou tiède ?)
  • entre 30° et 50° (est-elle tiède ou chaude ?)
J'ai dit plus haut que l'on attribue à la température une valeur qui caractérise la proximité à l'eau tiède. Cette valeur est, par convention, comprise entre 0 et 1. Elle vaut 0 si l'eau n'est certainement pas tiède. Elle vaut 1 si l'eau est certainement tiède. Le problème est de calculer les valeurs intermédiaires. Le plus simple, et aussi le plus courant, est d'admettre que la valeur de la proximité est proportionnelle à l'écart de température. Qu'est-ce que cela signifie ? Dans l'exemple de l'eau tiède on a admis que l'eau était froide à 15° et tiède à 25°. Pour la température de 20°, qui est située à la moitié de l'écart entre 15° et 25°, je dirai que la proximité vaut 1/2, c'est-à-dire 0,5 ; pour la température de 22,5° qui est située au 3/4 de l'écart entre 15° et 25°, je dirai que la proximité vaut 3/4, c'est-à-dire 0,75 ; etc.

Quand les transitions sont caractérisées par ce type de proximité, on dit que la zone intermédiaire est linéaire. "Linéaire" signifie que si on représentait cette zone de transition par une courbe, cette courbe serait un segment de droite.


Mais, dans certains cas, il ne serait pas du tout raisonnable d'adopter une transition linéaire. Je m'explique sur un exemple :

Je m'intéresse à la proposition floue "être un adolescent" et j'admets être certain qu'une personne âgée de 16 ou 17 ans est un adolescent. J'admets aussi être certain que des personnes âgées de moins de  10 ans ou de plus de 40 ans ne sont pas des adolescents. L'utilité de la logique floue est qu'elle me permet de dire quelque chose d'une personne âgée, par exemple de 15 ans ou de 18 ans. Mais dans cet exemple, si j'utilise une transition linéaire, j'aboutis à des résultats qui ne sont pas crédibles. En effet, si j'admets une telle transition, le calcul montre qu'une personne de 30 ans aurait une proximité de l'ordre de 0,3 avec l'adolescence, alors que cette proximité ne peut être que négligeable, très proche de zéro. Dans un tel cas il faut adopter des transitions qui ne sont pas linéaires mais qui décroissent très vite à partir de la zone de certitude 15-18 ans puis tendent vers 0. 

On notera que la valeur maximale 1 de la proximité n'est pas toujours atteinte, c'est-à-dire qu'il n'existe pas toujours une zone de certitude.

C'est le cas dans l'exemple qui suit : j'étudie l'ensemble A défini ainsi : "ensemble des grands nombres". Le mot "grand" est totalement flou. On ne peut jamais dire avec certitude qu'un nombre est grand, car on peut toujours trouver un nombre plus grand , et même infiniment plus grand, qu'un nombre donné. Pour avoir une certitude quelconque il faudrait que le mot "grand" soit mieux défini.

Dans la théorie des ensembles classiques, on parle de "complément d'un ensemble donné". Il s'agit d'un ensemble qui est défini par la négation de la propriété qui définit l'ensemble initial. Par exemple, si je définis un ensemble dont les éléments sont les animaux qui volent, son complément sera l'ensemble des animaux qui ne volent pas. Il en est de même pour les ensembles flous, mais les choses sont un peu plus compliquées car il faut aussi s'occuper des zones de transition. Dans certains cas, fréquents, on observe à ce sujet quelque chose de tout à fait remarquable : il existe des éléments qui ont la même proximité avec un ensemble et avec son contraire. On pourrait dire que ces éléments sont aussi proches de l'être que du non-être !

Il est difficile d'en dire beaucoup plus sans utiliser le formalisme mathématique qui donne des boutons à la lectrice citée en introduction, mais sans doute sera-t-elle intéressée de savoir qu'il existe une théorie puissante et opérationnelle dans la vie pratique qui est un pied de nez respectueux au grand Aristote.


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