Pages

mardi 7 juin 2016

À VOIR OU À REVOIR : LE FILM DE LUCHINO VISCONTI "LES DAMNÉS" (1969)

Contrairement au film "Mort à Venise" (cf. article sur ce blog), "Les Damnés", sorti en 1969, est un film à la fois très beau, ancré dans un contexte historique significatif et mettant en scène des personnages "qui ont du poids". J'ai simplement regretté de le voir dans une version anglaise sous-titrée en français alors qu'à l'évidence une VO en allemand aurait été plus adéquate. Des nazis qui parlent anglais, ça sonne faux ! Mais la vérité est que je ne sais pas dans quelle langue a été enregistrée la bande son. C'est un détail, car les images sont évidemment universelles.


Helmut Berger dans le rôle de Martin Von Essenbeck. Source de l'illustration : image du film


Le fond historique est la période qui précède et suit ce que l'on a coutume d'appeler "La nuit des longs couteaux" (29-30 juin 1933), première nuit d'une période de quelques jours au cours desquels les nazis ont assassinés leurs alliés SA (Sections d'assaut, Sturmabteilung en allemand ). Les atrocités commises entre 1926 et 1933 par les SA ont permis l'arrivée au pouvoir d'Hitler mais, pour des raisons que les historiens expliqueront mieux que moi, les SA sont devenues gênants pour les nazis, et Hitler a décidé en juin-juillet 1933 de les exterminer. Hitler en personne, pistolet à la main, aurait débuté la tuerie de Bad Wiessee qui est une longue séquence marquante du film.

La seconde toile de fond du film, intimement liée à la première, est l'enjeu que représente l'immense empire industriel (aciéries) de la famille Essenbeck. En fait c'est l'image de la famille Krupp qui s'est ralliée au nazis et comptait 190 000 employés en 1939. Alfried Krupp fut arrêté, jugé et condamné pour crimes contre l'humanité, puis amnistié, et libéré en 1951. L'analogie s'arrête là car les turpitudes des membres de la famille Essenbeck ne relèvent que de l'imagination de Visconti (à vérifier ?).

Enfin, la trame du film est constituée par les rapports psychologiques au sein de la famille Essenbeck, plus précisément entre Martin et sa mère.

Le personage de Martin est extrêmement complexe. Helmut Berger, acteur "viscontien" idéal a un jeu qui n'est pas sans rappeler celui qu'il avait dans "Ludwig II" du même réalisateur. C'est un personnage tourmenté, pervers mais également ambitieux, qui voue à sa mère une haine féroce parfois mêlée d'une certaine tendresse. Il n'est pas impossible qu'au début du film il ait tué son père (je n'ai pas très bien compris cet aspect) mais l'analogie oedipienne ne s'arrête pas là car il violera sa mère (ce n'est pas véritablement un viol car elle est consentante) puis la poussera à se suicider avec son nouveau mari, le jour de ses noces. Mais aussi une personnalité perverse et criminelle puisqu'il violera, peu avant, une petite fille qui se pendra, crime que les SS absoudront car elle était juive.
Débarrassé de sa mère et de son beau-père il devient l'empereur de l'acier : le film débute et se termine par de très belles images de fonte en fusion qui rappellent que ce qui se passe en Allemagne à cet époque est un enfer. C'est d'ailleurs au autre aspect intéressant du film car l'horreur de tout ce qui s'est passé après 1939 fait oublier que cette période a été précédée, en Allemagne même, de crimes et d'épurations qui ont transformé le pays de Kant, de Hegel, de Stirner, de Goethe en un pays de non-droit.

Quant à la réalisation, elle est à la hauteur de ce en quoi excelle Luchino Viscont : mise en scène parfaite, décors et costumes somptueux, dialogues serrés au plus prés.

Une seule réserve : il faut être très attentif au début du film car il est difficile de comprendre d'emblée quels sont les rapports entre les différents protagonistes, surtout si on regarde le film dans une version sous-titrée qui n'est pas excellente du point de vue de l'exhaustivité des dialogues.

Mais, quoi qu'il en soit, "Les Damnés" est un film magifique et tragique, à voir ou à revoir.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ajouter des commentaires.