Autant le dire tout de suite : je n'aime pas le film de Visconti "Mort à Venise" ; je sais que c'est une opinion iconoclaste tant ce film a été encensé. J'assume ! Mon opinion est que c'est un très beau film, mais que ce n'est pas un très bon film. Je vais m'en expliquer.
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Mais un film ne doit pas seulement être beau. Il doit être aussi porteur de sens, et ce d'autant plus quand sa réalisation atteint un tel niveau de qualité. Or, du sens il n'y en a pas, ou il y en a peu.
J'ai lu des critiques, à tendance marxiste louant dans ce film l'étalage des différences de classe entre la bourgeoisie oisive et le "petit peuple" des travailleurs. Il faut abusivement forcer le trait pour admettre une telle interprétation. Les gens de la rue, les employés d'hôtel sont transparents et non signifiants (hormis peut-être la scène des musiciens avec le violoniste édenté). L'objectif n'est visiblement pas de montrer une différence de classe, mais de rester dans un certain monde, celui du luxe et du raffinement outrancier. C'est une peinture interne d'un monde auquel appartenait Visconti.
Dans "Le guépard" ce monde était en train de faire naufrage et le sens du film était là. Mais dans "Mort à Venise" rien de tel. L'action se passe en 1911 ; rien ne laisse présager la première guerre mondiale, l'ombre du communisme n'assombrit pas encore l'atmosphère. Oui, certes, il y a le choléra. Doit-on y voir le signe précurseur d'une chute ? Ou le symbole du drame psychologique que vit le principal protagoniste ? À cette époque le choléra a frappé une grande partie de l'Europe. Ce n'est pas un élément allégorique ; c'est un fait historique.
En fait, de quoi s'agit-il ? Un compositeur célèbre (inspiré par Malher) recherche un sens à la beauté artistique : est-elle le produit d'un travail, ou naît-elle spontanément par l'entremise des sens et de la sensation ? Il rencontre la beauté à Venise sous les traits d'un jeune garçon et cherche à lutter contre cette attirance. Une attirance qui n'est pas simplement intellectuelle, comme le montre la scène où il cherche, sans succès, à satisfaire sa libido avec des prostituées. L'enfant, conscient de cette attirance joue avec l'adulte à un jeu muet, innocent mais un peu pervers, de provocation.
Bref, cela s'appelle une pulsion pédophile et il y a effectivement matière à faire un film sur le sujet. Mais ce qui me semble choquant et maladroit c'est le contraste entre les moyens cinématographiques mis en oeuvre et la faiblesse de l'argument. Cet homme qui se pose des questions sur ce qu'a été sa vie, qui a un sentiment d'échec et qui se voit brûlé par une passion qu'il juge honteuse ne m'intéresse pas. Les scènes de flashback censées éclairer sa vie antérieure sont maladroites et d'un niveau inférieur, du point de vue de la mise en scène, au reste du film. Elles apprennent peu sur le personnage et embrouillent la vision que l'on a sur sa psychologie (je pense aux images sur sa vie de famille heureuse et sur la mort de son enfant).
Quant au débat philosophique, cité plus haut, sur l'origine de la beauté il est tranché depuis Platon et Kant et le film n'y contribue d'aucune manière.
Une note positive pour terminer : s'il y a une scène à retenir dans ce film, c'est la scène finale de la mort sur la plage, avec le jeune garçon qui s'éloigne dans la mer. Esthétiquement c'est magnifique.
Et puis, c'est aussi l'occasion d' écouter des extraits des magnifiques symphonies de Malher !
Un film que j'ai eu la chance de voir au cinéma, non pas à sortie mais lors d'une reprise. Très bon documentaire sur la 5, sur la rivalité entre Visconti et Fellini :
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