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lundi 30 mai 2016

CORRÉLATION ET CAUSALITÉ

J’ai entendu dernièrement dans une émission de radio un interlocuteur  parler d’une « corrélation absurde ». Cette expression m’a instinctivement fait tiquer, puis, après réflexion, je me suis convaincu que ce n’est pas la corrélation qui est absurde, mais le fait de dire qu’une corrélation est absurde qui l’est ! Et, de fil en aiguille, je me suis interrogé sur la différence entre corrélation et causalité.

Source de l'illustration

Considérons deux évènements A et B. On dit que A et B sont corrélés si une modification de A implique une modification de B.
La corrélation peut être forte, moyenne, faible ou nulle. Exemples :
  • Corrélation forte : A = « Il pleut » ; B = « Je sors avec un parapluie »
  • Corrélation moyenne : A= « Mon père a des yeux bleus » ; B = «J’ai des yeux bleus ».  La corrélation est moyenne car si ma mère a des yeux marrons (caractère génétiquement dominant) je n’aurai pas obligatoirement des yeux bleus, il faut qu’un des parents de ma mère ait des yeux bleus pour que les miens le soient aussi éventuellement.
  • Corrélation faible : A = « Il fait beau » ; B= « Il n’y a pas de vent ». En effet, bien qu'il soit possible que dans certaines conditions météorologiques le beau temps soit lié à l’absence de vent, il peut aussi pleuvoir quand il n’y a pas de vent ou faire beau quand il y a du vent.
  • Corrélation nulle : A=« Je m’appelle Pierre » ; B= « J’habite à Lille ».

En conclusion, une corrélation n’est jamais absurde. Elle est plus ou moins forte ou faible, voire nulle. Certes, on peut trouver absurde de dire que mon prénom Pierre soit corrélé avec le fait que j’habite à Lille. Mais ce n’est pas la corrélation qui est absurde (elle est nulle, ce qui n’est pas pareil), c’est la personne qui pense que la corrélation n’est pas nulle qui a un raisonnement absurde car il n’y a aucune relation logique (non aléatoire) qui puisse justifier cette affirmation et il n’aurait pas dû la formuler.

Les statisticiens disposent de méthodes complexes pour rechercher l'existence et la force des corrélations dans une base de données (par exemple la décomposition en composantes principales), mais je n'aborde pas ce point qui implique de nombreux développements mathématiques.

J'en viens à la notion de causalité.

On peut intuitivement penser que A est cause de B si B ne peut exister que si A existe : une pierre tombe car il existe une force de gravité universelle. Si la force de gravité n'existait pas la pierre ne tomberait pas.

Mais les choses ne sont pas aussi simples car :

  • Il  peut y avoir des causes simultanées et dont la simultanéité est nécessaire pour produire un effet  : A est vrai car B et C sont vrais. Exemple : A= «  Mes plantes poussent bien » ; B= « J’arrose beaucoup » ; C= « Il y a du soleil ». Soit : "Mes plantes poussent bien car j'arrose beaucoup et il y a beaucoup de soleil". Mais notons que si on admet que les causes sont A et B, il peut y avoir des corrélations qui caractérisent l'amplitude de l'effet. Par exemple : "Mes plantes pousseront d'autant mieux que le sol est calcaire". 
  • Il peut y avoir des causes indépendantes et non corrélées : A est vrai car B est vrai ou C est vrai. Exemple : A= « La loi sera adoptée » ; B=« la majorité des parlementaires votent pour l’adoption » ; C = « le gouvernement utilise l’article 49-3 de la Constitution ». Phrase qui s'énonce donc ainsi : "La loi sera adoptée si une majorité de parlementaires votent son adoption ou si le gouvernement utilise l'article 49-3". 

Un effet a toujours une ou plusieurs causes et chacune de ces causes est l'effet d'une ou plusieurs causes antérieures. Il y a donc régression à l'infini ce qui pose, à l'évidence (et sauf explication théologique) un sérieux problème quant à l'existence de l'être.

Peut-il y avoir des causes sans effet ? 

Notons tout d'abord qu'il n'y a pas lieu d'appeler ces événements des causes car, strico sensu, il n'y a pas de causes sans effet. Mieux vaut dire des événements sans conséquences. Pour essayer de trouver un exemple, il faut se tourner vers des événement triviaux. Par exemple : un homme est resté assis dix minutes sur un banc de la place du village. Cet événement n'est pas sans effet : le matériau du banc a subi des contraintes, les pieds de l'homme ont foulé, donc modifié, le sol, des personnes l'ont vu et tireront des conséquences sur son inactivité, etc.

On aimerait pouvoir dire qu'à telle occasion il ne se passe rien : impossible ! Sur terre il se passe toujours quelque chose qui a des conséquences : l'atmosphère n'est jamais immobile, le soleil a une course apparente, des milliards de bactéries, insectes ou autres invertébrés invisibles s'agitent dans le sous-sol et chaque mouvement, chaque mise en repos, chaque naissance ou mort pour les êtres vivants a des effets. Dans l'espace il en est de même sous différentes formes. Même le vide est parcouru par des photons et le passage d'un photon en un lieu et dans telle ou direction aura un effet lors de son impact avec quelque chose. En fait, pour imaginer un événement sans conséquences il faudrait le situer dans le néant (à ne pas confondre avec le vide), ce qui est absurde puisque, par définition, il ne peut y avoir d'événements dans le néant.
Je fais donc le postulat (postulat et non théorème, car je n'ai rien démontré) que tout événement est à la fois une cause et un effet c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'événement sans cause ni effet.

Propriétés de la relation causale (relation de cause à effet) :


  • Une relation de causalité n'est pas symétrique : si je dis : A="Je n'ai plus d'essence dans ma voiture", donc B="Ma voiture ne démarre pas", j'ai effectivement une relation de causalité. Mais je ne peux pas dire : "Ma voiture ne démarre pas donc je n'ai pas d'essence dans ma voiture" car le fait que ma voiture ne démarre pas peut avoir d'autres causes. En d'autres termes, je ne peux pas inverser la cause et l'effet.
  • Une relation de causalité n'est pas réflexive c'est à dire qu'aucun événement n'est cause de lui-même (sauf, pour les croyants, Dieu).
  • Une relation de causalité est transitive. Par exemple : A="Paul est en Chine" est cause de B= "Paul n'est pas à Paris" qui est cause de C="Paul n'est pas sur la place de la Bastille". Mais (c'est la définition de la transitivité) on peut donc en déduire que A est cause de C : "Paul est en Chine donc il n'est pas place de la Bastille".
  • On retiendra donc qu'une relation de causalité n'est pas une relation d'équivalence, puisqu'une relation d'équivalence est symétrique, réflexive et transitive.
Conclusion

Corrélation et causalité sont deux choses différentes. Une corrélation est quantifiée (quand les événements sont quantifiables) et permet de qualifier une interaction.
Une causalité est une relation de cause à effet. Elle n'est ni forte, ni faible ; elle est ou elle n'est pas.
La pseudo similitude entre corrélation est causalité est connue par l'expression latine Cum hoc ergo propter hoc (avec ceci, donc à cause de ceci).
La corrélation n'implique pas la causalité.

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