Pages

mardi 21 août 2018

NOTE DE LECTURE N° 40 : RABOLIOT de Maurice Genevoix

"Raboliot" est sans doute le roman le plus connu de Maurice Genevoix. Bien qu'il ait reçu le prix Goncourt en 1925, il recevra un accueil réservé du public et sa notoriété ne s'affirmera que lors de sa publication dans le "Livre de poche". A cette occasion Maurice Genevoix a d'ailleurs effectué de nombreux remaniements. Sans doute le roman a-t-il pâti de sa réputation initiale de "roman régionaliste". Nous reviendrons sur ce point.
Notre édition de référence est l'édition Grasset de 1980.


Revenons sur la notion de "roman régionaliste", qui semble revenir à la mode puisque plusieurs éditeurs importants lui consacrent désormais une collection. Mais cette évolution est récente. Ce que l'on a reproché à ce type d'oeuvre c'est que, par définition, il est centré sur une région précise, sur une psychologie et parfois un langage particulier des personnages, sur des paysages typés etc. En d'autres termes il s'agirait plus (en forçant le trait !) d'un "guide de voyage" que d'une oeuvre qui prétend à une certaine universalité.

"Raboliot" ne correspond nullement à cette description sommaire. Il en possède certes certaines caractéristiques : l'action se passe en Sologne et elle est centrée sur l'activité qui est au centre de l'économie de cette région : la chasse (et jadis le braconnage qui était sévèrement réprimé mais pratiqué par tous). Les dialogues sont écrits en patois et fourmillent de mots rares. Mais le roman est d'une grande profondeur psychologique et d'une grande beauté qui va bien au-delà de la peinture des moeurs locales.

Cette profondeur résulte essentiellement de la psychologie très particulière du protagoniste principal Raboliot et de son lien étroit avec la nature. Dire que cette psychologie est "particulière" ne signifie pas qu'elle est rare et unique. Elle signifie qu'elles hors des normes "usuelles" (et en particulier de celles de tous las autres personnages du livre). Raboliot est un homme fier, qui ne veut rien céder de ce qu'il estime légitime, qui se fie plus à sa capacité d'agir qu'à sa réflexion, qui aime par dessus tout sa femme et ses trois enfants et qui a une capacité extraordinaire à interpréter les signes de la nature et leurs changements. "Interpréter" ne signifie pas savoir en tirer des conséquences pratiques, mais savoir en jouir d'une manière quasiment physique.

Il y a dans ce roman deux protagonistes essentiels : les paysages, que Maurice Genevoix décrit avec un immense talent, et le braconnage sous ses multiples formes, souvent cruelles, mais tellement intégré à la vie locale qu'on en arrive parfois à oublier qu'il consiste à tuer le plus rapidement possible, avec un maximum de "rendement" des êtres sensibles.

L'histoire elle-même est un engrenage et débute par un banal fait divers. Accusé (à juste titre) de braconnage Raboliot refuse de payer l'amende correspondante. De fil en aiguille, les poursuites se multiplient et Raboliot est passible d'une peine de prison qu'il arrive à esquiver grâce à de multiples artifices, mais qui attise la haine  d'un gendarme qui ne vit plus que que dans l'espoir de l'arrêter. Trahi et contraint de fuir à la suite d'un épisode sanglant, Raboliot vit dans les bois et sa psychologie bascule. Lui qui avait toujours eu confiance dans son instinct de survie ne sait plus que faire. Le dénouement sera tragique et nous ne le dévoilerons pas ici.

Un grand roman, pétri d'humanité, de détresse, de tendresse et d'une grande beauté littéraire.


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ajouter des commentaires.