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jeudi 19 novembre 2015

L'ÉNERGIE N'EXISTE PAS !

L'énergie n'existe pas ! Cette affirmation demande quelques explications car si je n'avais pas cédé au jeu du titre provocateur, j'aurais dû écrire : "l'énergie n'existe pas en tant que chose".

Source de l'illustration : http://www.bgm-energie.fr/
On entend parler tous les jours d'énergies renouvelables, de production ou de gaspillage d'énergie, etc. Et pourtant l'énergie n'est pas une chose, ni un rayonnement. C'est une entité virtuelle qui sert à faire des calculs et des mesures.

Tout d'abord, je dois préciser que je ne parle ici de l'énergie qu'au sens strictement physique du terme et non pas de ce qu'on appelle parfois "l'énergie psychique" ou "énergie vitale", ni des thérapies qui s'appuient sur ces concepts. Je n'en parle pas, d'abord et surtout, car je n'ai aucune compétence en la matière. Mais aussi car j'ai l'intuition qu'il y a eu des glissements sémantiques et que dans certaines disciplines on a appelé "énergie" différents types de phénomènes, positifs ou négatifs pour le sujet, réels ou ésotériques, qui souvent assimilent l'énergie à un fluide susceptible d'être "manipulé" (au bon sens du terme) et d'avoir des interactions avec les comportements ou les sentiments humains. Que de tels fluides existent ou pas, que leur existence ait été validée ou pas, je ne saurais le dire. Par contre, ce que je peux affirmer, non pas comme une opinion mais comme un fait scientifique, c'est que l'énergie, stricto sensu, n'a rien à voir avec un fluide, ni d'ailleurs avec quoi que ce soit assimilable à "quelque chose" de réel.

Le problème est un peu similaire à celui des opérateurs mathématiques : somme, produit, racine carrée etc. Ces opérateurs existent en tant qu'outils de calcul mais personne ne rencontrera jamais une racine carrée au coin de la rue !  De la même manière personne ne tiendra jamais dans sa main un quantité d'énergie car l'énergie n'est qu'un opérateur physique virtuel, mais un opérateur dont le potentiel (j'entends par là ce qu'il permet de comprendre, de découvrir et de faire) est extraordinairement fécond.

Qu'est-ce que l'énergie ?

Je reprendrai ici la définition que donne Jacques Treiner (physicien, professeur à Sciences-Po Paris) dans une intervention sur France-Culture le 28 mars 2015 (la première partie de cette émission de Étienne Klein est consacrée au sujet qui nous occupe ici ; la seconde aux problèmes posés par la transition énergétique dans le contexte de la limitation de l'effet de serre).

" L'énergie est ce qui permet de quantifier le comportement de la matière ".

L'énergie n'est pas une chose. C'est  une grandeur physique abstraite, de nature mathématique. Ce qu'on utilise dans la vie courante, ce n'est pas de l'énergie, c'est de la matière qui se transforme : de l'eau qui bout, du pétrole qui explose dans les cylindres des voitures, des particules qui se percutent dans un réacteur nucléaire, etc. Mais il a fallu quantifier ces transformations : si l'on chauffe de l'eau on peut obtenir de l'eau tiède, de l'eau chaude ou de l'eau bouillante et au bout d'un certain temps il ne restera plus d'eau. Elle se sera transformé en vapeur. Il y a donc des degrés dans la transformation de la matière et la physique a besoin de "quelque chose" qui lui permet de mathématiser les phénomènes en les différenciant et de faire des calculs pour caractériser ces états différents. Ce "quelque chose" est un opérateur que l'on a inventé et que l'on a appelé tardivement l'énergie. Tardivement car la première apparition du mot, au sens actuel, figure dans une lettre de Bernouilli écrite en 1717 mais ce n'est que Max Planck (un des pères de la physique quantique) qui formalisera le concept sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui. L'unité légale de l'énergie (peu utilisée dans la vie courante) est le joule.

Le principe de la conservation de l'énergie

Si l'objet virtuel "énergie" a eu un tel succès c'est qu'on s'est aperçu que dans toute transformation de la matière il y a "quelque chose" qui se conserve intégralement. Et ce "quelque chose" on l'a appelé "énergie". Très souvent on accole au mot "énergie" un adjectif qui caractérise le type de transformation qui la caractérise : énergie éolienne, thermique, nucléaire etc.

Énergie et puissance


Les deux mots sont parfois confondus dans le langage courant alors qu'ils désignent deux choses différentes. La puissance est en quelque sorte le "débit" de l'énergie. Si dans un tuyau il passe 1000 litres d'eau en 100 secondes, on dira que son débit est égal à 1000/10 = 100 litres par seconde. De la même manière, si une certaine transformation de la matière met en jeu 1000 joules en  10 secondes on dira que la puissance de la transformation est de 100 watts (le watt est l'unité légale de puissance).
La relation entre énergie et puissance dépend du type de transformation et de la nature de la matière concernée. Ainsi par exemple 1 litre de pétrole peut libérer beaucoup plus d'énergie qu'un kilo d'explosif TNT. Pourtant la puissance mise en jeu par l'explosion d'un kg de TNT est sans commune mesure avec celle mise en jeu par un litre de pétrole dans un moteur. Pourquoi ? Parce que l'énergie du TNT est libérée en un temps infiniment plus court que celle du pétrole.

L'entropie

Lorsque de la matière est transformée pour produire un travail seule une partie du bilan énergétique est utilisée. En effet, les systèmes réels ne sont jamais totalement isolés. Ils font partie du milieu ambiant (naturel ou artificiel) qui lui aussi se transforme. Par exemple, si je fais exploser de l'essence dans le cylindre d'un moteur d'automobile, je vais produire un travail (le mouvement alternatif du piston) qui, par le biais de systèmes divers (bielles, vilebrequin, etc.) provoquera la rotation des roues. Mais parallèlement toutes les pièces font s'échauffer, elles vont subir des frottements. Une partie du bilan énergétique ne produira pas le travail souhaité et sera perdu irrémédiablement. Il est impossible d'inverser le processus car il existe un principe aussi rigide que la conservation de l'énergie qui veut que les transformations de la matière se fassent toujours dans un sens donné : il est impossible qu'un frottement entre deux pièces refroidissent ces pièces, tout comme il est impossible que quand deux corps à températures différentes sont mis en contact le plus froid se refroidisse et le plus chaud s'échauffe. Pourtant, si tel était le cas, le phénomène serait compatible avec le principe de conservation de l'énergie. Ce qui se passe dans la réalité, c'est que le plus froid va s'échauffer et le plus chaud se refroidir jusqu'à obtention d'un équilibre thermique. Il existe un sens d'évolution dans la transformation de la matière.

Revenons au moteur automobile : la goutte d'essence était de la matière organisée, dont les molécules étaient soudées à l'échelle atomique. Après l'explosion on a obtenu du travail mécanique mais aussi de façon désordonnée et incohérente de la chaleur dissipée. Au niveau microscopique, on dit que le système s'est dégradé, qu'il s'est désorganisé. 

La grandeur (tout aussi virtuelle que l'énergie) qui caractérise le niveau d'organisation d'un système est appelée l'entropie. Toute transformation de la matière réelle s'accompagne d'une création d'entropie c'est-à-dire d'une création de désordre. En aucun cas il ne peut y avoir diminution d'entropie dans l'univers.

En résumé

Quand on parle d'énergie ou d'entropie il ne faut jamais perdre de vue qu'il s'agit de grandeurs virtuelles. En toute rigueur, il est absurde de parler de création, de perte ou de conservation d'énergie. C'est en ce sens que j'ai dit en préambule que l'énergie en tant que "chose" n'existe pas.





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