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samedi 28 novembre 2015

LE FILM DE JEAN-LUC GODARD : "ADIEU AU LANGAGE"

Le dernier film de Jean-Luc Godard "Adieu au langage" sorti en 2014 m'a semblé totalement incompréhensible.
Après l'avoir vu j'ai lu la synthèse qu'en a donné Godard sur Twitter. Il dit : "Le propos est simple. Une femme mariée et un homme libre se rencontrent. Ils s'aiment, se disputent, les coups pleuvent. Un chien erre entre ville et campagne. Les saisons passent. L'homme et la femme se retrouvent. Le chien se trouve entre eux. L'autre est dans l'un. L'un est dans l'autre. Et ce sont les trois personnes. L'ancien mari fait tout exploser. Un deuxième film commence. Le même que le premier. Et pourtant pas. De l'espèce humaine on passe à la métaphore. Ça finira par des aboiements. Et des cris de bébé."

Source de l'illustration

En fait je n'avais pas compris qu'il y avait une femme avec un amant et un mari. Godard dit "l'ancien mari fait tout exploser". J'avais  compris qu'il y avait eu un meurtre, mais pas qui avait été tué et encore moins qui avait tué. Quant au bébé il doit s'agir des cris et sons que l'on entend en "off" vers la fin du film.

Par contre j'ai bien compris qu'il y avait un chien. C'est même le meilleur acteur. C'est le véritable chien de Godard et le jury du festival de Cannes a même créé un prix "spécial chien" pour lui. En fait, comme c'est le seul acteur qui ne parle pas on n'a pas à essayer de comprendre ce qu'il dit. Bon ! Admettons que ce soit le chien qui a donné son titre au film ! Parce que les autres acteurs, parlent. Beaucoup. Parfois avec une bande son parfois volontairement inaudible ou, le plus souvent en citant des écrivains ou des philosophes.

Certaines citations sont profondes mais hors de leurs contexte elles ont l'air d'un gag. Exemple : la très difficile phrase de Sartre tirée de "L'Être et le Néant", qui renvoie directement à Heidegger, mais qui n'a l'air d'être là que pour montrer au spectateur le caractère parfois alambiqué du langage philosophique :

"La conscience est un être pour lequel, il est dans son être question de son être en tant que cet être implique un être autre que lui".

D'ailleurs des gags il y en a. Mais assez subtils et que peu de spectateurs comprendront. Par exemple :

"[Ivitch, voix off]  : Quelle différence il y a ...entre une idée et une métaphore ?
[Davidson, voix off] Une métaphore est... [la phrase est interrompue]
Il faut demander aux Athéniens quand ils prennent le tramway !"

Il semblerait (je n'en ai pas eu confirmation) que metaphore désigne en grec moderne un moyen de transport. 



Ou cette phrase d'un des personnages qui cite la fonction dite "Schwarz-Dirac" comme étant "une fonction nulle en tous ses points sauf en en point où elle est infinie", ce à quoi sa compagne répond "et l'inverse aussi".

Le générique final fournit une liste impressionnante et prestigieuse d'auteurs cités. 

Alors l'adieu au langage, c'est quoi ? C'est l'adieu que fait Godard à son type de langage, le cinéma ? C'est le regard du chien (le monde comme représentation) ? L'avènement de la parole comme substitut au langage ? Ou le règne de l'image comme substitut à la pensée  (et c'est vrai que du point de vue des images, genre documentaire sur le printemps, la nature et le lac Léman, le film est réussi) ? Ou est-ce parce que le langage permet de questionner et qu'il n'y a pas à questionner le monde, comme le suggère l'extrait de la bande son qui suit ?

"(Voix seule sans fond sonore) :
Lorsqu’il entra dans la chambre à gaz
Un enfant demanda à sa maman, pourquoi ?
Et un SS cria : « Hier ist kein warum. »
Pas de pourquoi !"

A moins que la clé ne se trouve dans Alain Badiou qu'un des personnages cite (ou lit ?) :

"Que nous arrive-t-il donc, à l’orée du siècle,
Qui ne semble n’avoir aucun nom clair
Dans aucune langue tolérée ?"

Le film a reçu un bon accueil, au moins auprès des spécialistes :
  • Meilleur nombre d'entrées pour un film de Godard aux USA.
  • Prix du jury au festival de Cannes 2014.
  • Premier prix du meilleur film de "National Society of Film Critics Awards 2015" et deuxième place pour la meilleure mise en scène.
  • Deuxième meilleur film de l'année pour la revue "Cahiers du cinéma".
  • Etc.

Bref, Godard a certainement voulu dire beaucoup de choses car c'est un provocateur mais pas un imbécile. Mais je n'ai rien compris à ce qu'il a voulu dire. Pour moi, c'est un film inclassable. Si tant est que ce soit un film ! C'est peut-être simplement "quelque chose" avec des images et des sons.

J'allais oublier : j'aime bien la chanson italienne qui entame et conclut le film. Si quelqu'un sait ce que c'est je n'aurai pas tout perdu.


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