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vendredi 24 mars 2017

À PROPOS DU PEINTRE GÉRARD DE SAINT-JEAN

Gérard de Saint Jean (1460 -1490, environ) est un peintre hollandais sur lequel on sait peu de choses.  Son nom Geertgen tot Sint Jan signifie littéralement « Petit Gérard qui habite à Saint-Jean ». Les œuvres de ce peintre peu connu (au moins en France) sont, à mon avis, remarquables. Ce qu’on sait de lui nous vient essentiellement du peintre Carel van Mander, surtout célèbre pour avoir écrit  Het Schilder-Boeck, un recueil de biographies de peintres des anciens Pays-Bas et du Saint-Empire romain germanique. Gérard de Saint-Jean aurait au couvent des chevaliers de Saint-Jean de Haarlem comme hôte de la communauté ecclésiastique. On ne sait quasiment rien de plus de l’artiste, si ce n’est qu’il a probablement été formé par le peintre de Haarlem Aelbert Van Ouwater (v. 1410-1475). Cet article est consacré à la présentation de quelques-unes de ses œuvres. Le site référencé ici a été une aide précieuse pour cette présentation.

Gérard de Saint-Jean, "Visage de femme"



L'oeuvre qui suit est certainement celle que je préfère. Elle représente Saint-Jean Baptiste au désert et aurait été peinte entre 1485 et 1490.

Gérard de Saint-Jean, "Saint Jean-Baptiste au désert"

Rappelons que la naissance de Jean le Baptiste ou Saint Jean-Baptiste est évoquée dans l'Évangile selon saint Luc. Il serait le fils du prêtre Zacharie et d'Élisabeth, cousine de Marie, mère de Jésus. L'Évangile selon Mathieu indique que Jean a vécu une vie d'ascète, « caché dans le désert », se nourrissant de « sauterelles et de miel sauvage ». Jean fut appelé le Baptiste car il pratiquait le baptême par immersion dans le Jourdain pour laver les âmes de leurs péchés. Un jour, Jésus vint voir Jean pour être baptisé et il fut immergé dans les eaux du Jourdain. C'est au sortir de l'eau que Jésus « reçoit l'Esprit Saint sous la forme d'une colombe ».
Jean-Baptiste mourra tragiquement, décapité, à la suite d'une querelle familiale, comme le raconte l'Évangile selon saint Marc.

Trois points principaux sont remarquables dans ce tableau :

  • Le premier est le manque total de réalisme du paysage. Jean le Baptiste vivait dans un désert et non pas dans une campagne verdoyante. Il n'y a pas lieu de s'en étonner : à cette époque les connaissances géographiques des peintres qui n'avaient pas voyagé étaient incertaines et ils reproduisaient leur propre environnement (c'est également la raison de divers anachronismes que l'on trouve dans les oeuvres de beaucoup d'artistes de cette époque). Il n'y a pas lieu non plus de le regretter : le paysage est un des plus beaux que l'on peut rencontrer dans les oeuvres de cette époque, avec de multiples nuances de vert, une harmonie d'ensemble structurée par la verticalité des arbres et les ondulations de la prairie, la présence discrète de l'eau soulignée par la végétation aquatique. Il est vraisemblable que la cité que l'on devine dans le lointain soit Jérusalem puisque, selon Mathieu 3, 5 :" Les habitants de Jérusalem [...]se rendaient auprès de lui".

Gérard de Saint-Jean, "Saint Jean-Baptiste au désert" (détail)
Gérard de Saint-Jean, "Saint Jean-Baptiste au désert" (détail)

  • Le deuxième point remarquable est le visage de Saint Jean-Baptiste. Un visage apaisé, très doux, mais profondément méditatif. Le visage d'un homme qui se pose une multitude de questions et qui, peut-être est envahi par le doute ou l'incertitude. Un visage profondément humain, malgré l'auréole qui souligne sa sainteté.
Détail du visage de Saint-Jean Baptiste
  • Le troisième point que je souhaite souligner est l'allégorie du Christ "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". D'un point de vue strictement liturgique, cette image est anachronique car Saint-Jean Baptiste n'était plus dans le désert lorsqu'il a prononcé cette phrase (cf. Jean, 1,25). Peut-être est-ce cette vision prémonitoire qui plonge Jean dans une profonde méditation ?

Gérard de Saint-Jean. Saint Jean-Baptiste au désert (détail)

Ci-dessous quelques autres oeuvres de Gérard de Saint-Jean.

Une oeuvre tout à fait singulière. La vierge est entraînée dans un tourbillon d'anges musiciens.

Gérard de Saint-Jean. "La Vierge et l'enfant"

Dans le tableau qui suit, sur le même thème, on notera surtout la beauté et la douceur très réaliste du visage de la Vierge. Un visage d'une grande délicatesse qui contraste avec celui de Jésus qui, venant de naître semble déjà avoir les traits d'un adulte (bien entendu, ce n'est pas fortuit !).


Enfin, ci-dessous, une des oeuvres de Gérard de Saint-Jean sur le thème de l'adoration des mages. Là encore les visages sont remarquables : Marie et Joseph conscients de l'importance de l'instant ; le mage agenouillé, respectueux ; le mage barbu, émerveillé. À titre anecdotique, on notera que  Balthazar, le roi africain, est à peine ébauché. Sans doute l'artiste n'avait-il jamais vu des personnes noires ? Quand au Christ, et contrairement au tableau précédent, il a indéniablement le visage d'un enfant nouveau-né. La scène se veut historique, mais le génie du peintre la rend profondément inspirée.


Gérard de Saint-Jean. "L'adoration des mages"


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