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mardi 5 septembre 2017

FAUT-IL CROIRE EN DIEU ?

Est-il utile de croire en Dieu ? La question peut paraître saugrenue. Il existe des millions de personnes athées ou qui ne sont « religieuses » que par tradition, conséquence d’un suivi culturel qui n’a pas de fondements réels ; des athées « déguisés » en quelque sorte, ou qui adoptent de manière mercantile le « pari de Pascal ». Et ces personnes, semble-t-il, ne s’en portent pas plus mal. Elles ont des joies, des peines comme tout un chacun. Certaines sont animées de pensées altruistes, d’autres sont foncièrement égoïstes. Il y a, parmi ces hommes sans Dieu des bons et des cruels, des « saints » (au sens laïque du terme) et des sadiques. Et pour ceux que l’opinion publique juge digne de louanges l’hypothèse de Dieu semble superflue. Ils sont « comme ils sont », sans autre secours extérieur que leur conscience ou leur moralité (un « impératif catégorique » diront certains).




Il me semble pourtant qu’il y a au moins trois raisons qui peuvent nous guider vers la nécessité d’une croyance en Dieu. Je ne dis pas que ces trois raisons (et il y en a d’autres) sont suffisantes pour imposer la nécessité. Je prétends simplement qu’elles sont plausibles. La première est l’espoir en l’immortalité de l’âme, c’est-à-dire en l’avènement de la « Cité de Dieu ». La seconde est que la connaissance du Bien et du Mal n’est pas une connaissance empirique, mais que pourtant tout le mondes la partage (même le pire des malfrats, sauf cas pathologique ; il choisit le Mal sachant que c’est le Mal et fait usage de son libre arbitre). La troisième est liée à l’origine de l’univers. C’est cet aspect que je vais commenter ici.

D’un point de vue scientifique on connait à la fois beaucoup et peu de choses sur l’origine de l’univers, ou des univers selon certaines théories.

  • Beaucoup, car il semble admis par la majorité de la communauté scientifique que, il ya 15 milliards d’années, toute la matière de l’univers était condensée dans un magma opaque, infiniment dense et infiniment chaud. C’est l’époque de ce qu’on appelle le « Big Bang ». Ce magma s’est refroidi progressivement, permettant la formation de protons et neutrons, puis d’atomes, de molécules, de photons et d’autres particules. On sait énormément de choses sur ce qui s’est passé entre cet état initial et l’univers tel que nous le connaissons aujourd’hui avec ses milliards de galaxies, elles-mêmes composées de milliards d’étoiles. Il reste des points d’interrogation mais ils devraient être à la portée des connaissances actuelles et futures car ils sont, pour la plupart, susceptibles d’observations ou d’hypothèses crédibles.
  • Mais, à y regarder de plus près, toutes ces connaissances sont peu de choses si on les compare à la question de savoir ce qu’il y avait avant le Big Bang. D’où vient cette matière ? Ou, ce qui revient au même, quelle est l’origine de l’univers ?

Confronté à cette énorme question le physicien est impuissant : aucune des lois dont nous savons qu’elles régissent l’état actuel de l’univers n’est applicable au magma primordial, et l’homme de la rue, le non-cosmologue doué d’imagination, peut prendre sa revanche ! Faisant partie de cette estimable catégorie je ne vois que trois possibilités (non pas pour le détail de phénomènes mais pour la philosophie des phénomènes) :

La première serait que l’univers ait jailli spontanément à partir du néant (ne pas confondre le néant avec le vide, qui est toujours « vide de quelque chose »). Cette hypothèse ne me semble pas tenable car le néant n’est pas pensable. Dire que le néant est quelque chose est une contradiction dans les termes car par définition, le néant est le contraire de l’être. Le néant ne peut être, donc ne peut exister. Toute tentative de le définir conduit à le créer existant, donc à contredire sa nature ontologique, qui est « le rien ». Il importe peu, dans ce cas de figure, que l’essence précède ou non l’existence, car le néant n’a pas d’essence. Il me semble tout aussi vain d’imaginer un univers fini dans le temps ou dans l’espace car, au-delà de cette durée ou de cette étendue, que peut-il y avoir d’autre que l’impossible néant ? je serai tenté de dire, en paraphrasant Aristote, non pas que la nature a horreur du vide, mais qu’elle est inconciliable avec le néant.  Il faut donc, me semble-t-il, éliminer le néant de nos spéculations. Or, il n’y a que deux manières de le faire.

  • L’une serait d’imaginer que l’univers soit infini, dans l’espace et dans le temps. Car, contrairement au néant, l’infini est pensable : les mathématiques nous en donnent une image, et l’on sait que la Nature est mathématisable. La difficulté est autre : supposons qu’il existe une matière (ou du rayonnement, ou du vide) diversement et infiniment répartie et que ce soit cela que nous appelons l’univers. Il surgit alors la redoutable question chère aux insomniaques : pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? On peut répondre à cette question en supposant des états antérieurs, une évolution, mais cela ne résout rien. In fine, on doit bien supposer la primauté de « quelque chose », et ce quelque chose ne peut raisonnablement pas être le néant. La boucle est bouclée et le cercle est vicieux : l’infinité de l’univers nous ramène à un univers, existant et observable dont l’origine est inconnue et on est confronté à ce que Kant appelait une antinomie de la raison.
  • L’ultime possibilité serait d’imaginer que l’univers n’ait pas surgi spontanément du néant, mais ait-été créé par « quelque chose » de préexistant qui échappe au cercle vicieux, quelque chose que depuis des générations on appelle Dieu et que Aristote appelait « le premier moteur ». On échappe ainsi aux objections précédentes. Exit le néant, et exit le cercle vicieux.
    • Exit le néant car Dieu a précédé l’univers (puisqu’il l’a créé).
    • Exit le cercle vicieux car on a identifié « un premier moteur ».

Le problème est que cette hypothèse n’est ni démontrable, ni réfutable. Elle est typiquement ascientifique et notre raison répugne, en général, à admettre une affirmation de ce type.

Mais il faut tempérer cette réticence. Tout ce que nous savon sur ce que nous appelons Dieu, nous est connu par des textes, c’est-à-dire par de la littérature. Et qui dit littérature dit « auteur », c’est-à-dire subjectivité et influence culturelle du siècle. En conséquence, la connaissance que nous avons de Dieu par les textes saints (je parle essentiellement de la Bible car je connais mal le Coran) doit être accueillie avec le recul historique nécessaire.

L’affirmation de la Genèse, selon laquelle Dieu a créé à son image, m’a toujours semblé énigmatique, mais que je n’ai aucune difficulté à admettre que l’homme a créé Dieu à son image (cf. l’article de mon blog référencé ici). 

Ainsi, par exemple, on admet que Dieu est « bon ». Comment juger de cette bonté de Dieu dans un monde où la souffrance et le mal sont omniprésents ? L’homme, convaincu que Dieu a créé les cieux, la terre et l’humanité, constate qu’il a à sa disposition tout ce qui est nécessaire à la persistance de son être et à la satisfaction de ses désirs (le fait qu’il utilise ou pas ces possibilités à bon escient est une autre question, indépendante de celle qui nous occupe ici). Constatant que la terre a été créée en parfaite harmonie avec ses besoins il convient tout naturellement que cette création est «bonne», donc que son créateur est « bon ».

Il existe toutefois d’autres modes de connaissance directe de Dieu : des révélations, des extases, etc. Autant d’expériences personnelles qu’il est évidemment difficile de communiquer. Je ne parle pas ici de personnes illuminées ou faibles d’esprit. Je pense en particulier à Thomas d’Aquin, que l’on ne peut suspecter de duplicité ou de folie, qui a eu vers la fin de sa vie une révélation dont il a dit (je cite de mémoire) que tout ce qu’il a pu écrire n’est qu’un fétu de paille en comparaison avec ce que cette révélation lui a appris.

En outre l’homme a attribué à Dieu des attributs qui permettent de contourner les difficultés rencontrées plus haut : Dieu est infini, dans tous les sens du terme, il est omnipotent, etc. Dès lors que l’on attribue à Dieu de tels attributs on n’a aucune difficulté à admettre qu’il puisse être créateur de l’univers. On peut même dire que cela devient nécessaire. C’est d’ailleurs le mode de raisonnement de toutes les preuves dites « ontologiques » de l’existence de Dieu (cf. Descartes et Spinoza en particulier).

Comment conclure ? J’ai posé comme titre de cet article la question « Faut-il croire en Dieu ? ». Si je me place (je le répète car c’est important) uniquement du point de vue de la création de l’univers, je ne peux qu’esquiver la question par une « pirouette » : Oui, il est certainement utile de ne pas écarter la possibilité d’un premier moteur car, malgré toutes les interrogations qu’elle soulève, elle reste une hypothèse aussi plausible (sinon plus) que les autres hypothèses envisageables qui conduisent à une impasse.

Que ce premier moteur soit le Dieu imaginé par les religions monothéistes, ceci est une autre histoire !

2 commentaires :

  1. Bravo ! Il convient donc, une fois la nécessité (pour reprendre tes termes car je ne le dirais pas comme cela) de D.ieu admise, de le définir. Et lorsque l'on bute, par exemple, sur sa bonté, ne pas céder à la facilité de nier son existence par l'existence du mal, bien qu'il ne soit pas, non plus, la preuve de l'existence du bien... c'est à ce moment-là qu'on se sent un peu seul, sauf à s'entourer de co"religionnaires" !

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  2. J'ajouterais qu'il est surtout agréable de penser D.ieu.

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